le peuple secret. Kapouchnik à Audincourt. Photo Phil.
A 36, la pluie, la nuit. 10 février 2024
A chaque camion que l’on double on se demande si notre vie ne va pas s’arrêter.
2 H du matin.
Je reviens de Salins les bains, la Soirée du Lustre, un concept spécial de la compagnie Urbaindigènes, inventif et décapant.
L’idée : ils invitent un spécialiste : Fabien Jobard, un chercheur du CNRS, cette fois ci c’est sur Police/Justice.
Ils illustrent ses propos par des scènes de théâtre préparées les deux jours précédents.
La grande Eglise désaffectée qui nous accueille est pleine. L’entrée est libre mais pas gratuite. (Oboles).
Ils sont quatre à jouer, des comédiens de notre mouvance.
Céline Chatelain, Marie Leila Sekri, Césaire Chatelain, Baptiste Faivre.
Je ne mâche pas mes mots : c’est formidable.
Et je roule et les essuies- glaces sont en mode automatique et je réfléchis et je me demande pourquoi j’aime ce style de théâtre.
Eugénio Barba avec sa compagnie L’Odin parle de son public comme un “peuple secret “
Oui c’est plus que du public.
La compagnie est de Salins, à peine 2528 habitants, ils sont tous originaires du Jura, ils y ont grandi, et l’on sent une complicité gigantesque entre les 300 personnes présentes et les comédiens.
La notion de compagnie : ils sont tous ensemble depuis plus de dix ans, ils se connaissent parfaitement, ce n’est pas une distribution choisie par un metteur en scène avide de CDN.
C’est une voix qui sort de leur terre, cela ne les empêche pas de faire des tournées avec des spectacles imposants.
Et je pense à tous ces groupes artistiques qui sont implantés souvent carrément sur leur lieu de naissance, les nouveaux nez de Bourg Saint Andéol, Lubat d’Uzeste, les Michtos de Nancy etc.
C’est la vertu de l’implantation. C’est ce qui nous arrive à nous, au Pays de Montbéliard et à Audincourt.
Une qualité de relation incomparable, une complicité totale, une alchimie fusionnelle.
une atmosphère unique et chaleureuse.
Et puis ils ont tous fait des stages avec nous, nous leur avons transmis l’idée d’un théâtre spontané, qui se répète en peu de jours, et qui n’existe qu’une seule fois .
C’est enlevé, c’est urgent, c’est gai, sans oublier le contenu majeur donné par l’intervenant.
Alors ici pas de cabotinage, pas de notion de carrière, la symbiose avec ce peuple secret que sont les spectateurs.
Oui il y a eu une transmission par capillarité.
Il est primordial pour une compagnie d’avoir un point d’attache un point d’ancrage,
et puis des influences de qualité.
On ne se construit pas tout seul.
Nous savons, nous, ce que nous devons à Jean Digne, à ses méthodes à son Institut français de Naples et son désordre inspirant. Nous savons ce que nous a apporté le théâtre du Soleil et ses rituels et ses acteurs créatifs .
Nous ne serons plus là en 2030, ou 2050 mais ce sont eux nos descendants qui vont poursuivre ce que nous avons entrepris, un théâtre de contact, décalé, impertinent, audacieux, citoyen, non institutionnel.
Mais qu’est ce qui m’arrive dis donc ? Je suis en train d’être positif, je suis content.
On me dit souvent : toi tu n’aimes rien, eh bien pour le coup ce n’est pas du tout vrai.
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