
Dimanche 19 janvier. J’apprends qu’il y a un dernier problème. L’heure du cessez le feu recule. Alors le bombardement continue. Encore neuf nouveaux morts.
Problème technique : le Hamas ne communique pas les noms des 3 otages à libérer. Il est 11 H 30.
Je ne comprends pas, je reste suspendu aux nouvelles. Je reste devant l’écran du poste, il n’y a rien à voir. Une ambulance, un hôpital, la place des otages à Tel Aviv.
Je ne me comprends pas. Pourquoi suis-je si intensément touché par ces trois otages. J’ai peur d’une foirade au dernier moment.
Comment peut-on atteindre une telle cruauté ?
Mais moi ? Qui suis -je dans cette histoire ?
Je le sais bien, je suis mal né. Mon père quand il s’évade de Drancy pèse 40 kgs, son premier réflexe c’est d’aller faire un enfant à sa femme. Je nais neuf mois après son évasion. Le sperme devait être d’une qualité fort médiocre, je vais en pâtir toute ma vie. J’ai en moi l’obsession d’être né juif, sans jamais comprendre de quoi il s’agit réellement. Religion, peuple ? Mais qu’avons nous fait de si mal pour que l’on veuille nous exterminer comme des souris ? Et même la France a approuvé ce génocide. Quel crime a commis ma grand mère Betty, ma tante Ketty pour qu’on aille les cueillir et les emmener mourir à Sobibor ?
Alors je m’étais fabriqué une morale : après ce qu’a vécu le peuple juif , aucun juif n’aura le droit de maltraiter un peuple, aucun juif n’aura le droit de tuer ne serait ce qu’une araignée.
Or les petits enfants, les arrières petits enfants de la Shoah, comme s’ils reprochaient à leurs parents de s’être laissés faire sont devenus le peuple le plus belliqueux de toute la terre. Touche- moi un cheveu et tu verras ce qu’il t’arrivera.
On répond par le massacre du 7 octobre 2023 par un autre massacre.
Comment prendre parti ? Je comprends les deux camps. Il y a en plus la religion qui s’en mêle.
Et puis, l’espoir prend le dessus. On annonce une trêve. Je suis les nouvelles, seconde par seconde. Trois jeunes filles d’un côté, et 90 détenus palestiniens vont être libérés.
Une alchimie bizarre s’opère en moi. J’ai l’impression qu’ Emily, Doran et Romi sont de ma famille. Ces jeunes femmes partisanes de la paix vont sortir après 470 jours enfermées dans un tunnel.
Je veux les voir vivantes. Je reste trois heures devant le poste. On les aperçoit un quart de secondes, puis enfin dans les bras de leur maman.
Je suis dans une émotion extrême. Je ne me comprends pas.
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