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Billet du 21 juin 2025 le non public

  • Photo du rédacteur: livchine
    livchine
  • 22 juin
  • 3 min de lecture
Kapouchnik 176  . Photo Phil Lovy Eric Prévost, Isaure Legrand , Sophie Zanone
Kapouchnik 176 . Photo Phil Lovy Eric Prévost, Isaure Legrand , Sophie Zanone

Je m’en souviens bien, quand on a quitté Paris en 1991, nous avions besoin  de nous éloigner du ghetto théâtral parisien, cette petite communauté théâtrale, car nous avions la sensation de ne jamais toucher les “vrais gens”. C’est quoi les vrais gens ?

J’ai toujours été attiré par des personnes éloignées de notre culture. Nous avons été nommés Hervée de Lafond et moi -même à la direction de la scène nationale de Montbéliard que Pierre Bongiovanni venait de quitter.

L’arrivée à Montbéliard fut une douche froide. Le Monde et Libération n’étaient pas vendus dans les maisons de presse ou alors en un seul  exemplaire à la gare. Personne ne connaissait Jean Vilar ou Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Pina Bausch, Brecht ou Zingaro.

J’étais le roi des naïfs, alors nous avions décidé de remédier à ces lacunes.

Première décision nous avons réservé 40 places au théâtre du Soleil un dimanche et loué un autocar. Il y eut 4 réservations , le camouflet.

Alors pendant neuf ans nous nous sommes efforcés d’approcher et d’attirer le non -public.

Je ne pouvais pas croire que l’on pouvait vivre sans culture. Peu à peu j’ai appris que la Culture que je souhaitais diffuser était par trop parisienne, on pouvait la baptiser la “culture cultivée”, et avec Hervée nous avons cherché par tous les moyens  à changer les moeurs du théâtre bourgeois.

Nous avions invité une star du piano classique, Zacharias, et nous lui avions demandé d’abandonner le smoking traditionnel et de jouer en blouson de cuir. Nous avons de même demandé à notre personnel de s’habiller en cuir. Ils se sont prêtés au jeu. Zacharias discutait avec le public avant chaque morceau.

Et nous avons multiplié les changements du rituel.  Une monnaie spéciale, le sponeck, qui fluctuait selon les locations, plus de billets, mais un timbre par spectacle à coller dans un passeport qui devait être tamponné à l’entrée. Et puis notre mot d’ordre c’était non pas remplir le théâtre de Montbéliard mais remplir Montbéliard de théâtre. Neuf années folles.

Puis nous sommes partis un jour, exténués. L’Institution c’était un trop lourd fardeau, 30 personnes et un adjoint à la Culture trop droitier.  Le sous -préfet a voulu nous retenir, et nous a fait rencontrer un Maire exceptionnel, Martial Bourquin, qui dans sa ville d’Audincourt de 14 000 habitants, tenait à développer une vraie politique culturelle. Il nous a offert un lieu magnifique au bord du Doubs une usine Japy qu’il a restauré en grande partie pour nous.

Cette conviction de devoir jouer pour des personnes ne fréquentant pas les lieux culturels nous poursuivait. A Audincourt nous avons inventé une forme de spectacle unique, le Kapouchnik. A l’origine il s’agissait d’un rituel russe, un départ à la retraite où chacune et chacun invente une chanson ou un sketch. Nous avons transformé le concept, en une journée, avec quinze acteurs, nous nous sommes mis à mettre en scène l’actualité en 14 sujets et 1H 40. Le succès fut quasiment immédiat.

Tous les matins je promène mon chien avec une femme passionnée par les animaux. Un immense fossé culturel nous sépare.  Un jour par quel miracle elle est descendue de son village, assister à une séance puis elle est revenue, je ne lui ai jamais demandé ce qu’elle en pensait, puis elle a entrainé son voisin, et peu à peu elle s’est mise à réserver huit places ou dix places, pour rien au monde elle en raterait un.

Et moi je vous raconte tout ça, parce que cela aura été un des grands objectifs de ma vie, de toute ma vie finissante, réussir des mélanges de public ce qui donne pour moi un vrai sens au théâtre.


Hervée et moi, maintenant âgés de plus de 80 ans, métastasés et cabossés, nous sommes sur le point de transmettre notre outil à un trio chargé de poursuivre l’oeuvre entreprise.  Ce sera l’Unité 2.


J’ai décidé de sortir un livre, les mille et une plaisanteries du théâtre de l’Unité. Il sortira courant juillet , vous pouvez réserver votre exemplaire dès maintenant.









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