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Billet du 28 juillet, 2025. Je n'étais pas en Avignon.

  • Photo du rédacteur: livchine
    livchine
  • 28 juil.
  • 5 min de lecture
1980, nous sommes dans le IN  d''Avignon avec la femme chapiteau  et deux autres spectacles
1980, nous sommes dans le IN d''Avignon avec la femme chapiteau et deux autres spectacles

Je m’étais dit  : je vais faire ma chronique sur Avignon où je n’étais pas. Je vais faire semblant d’y avoir été.

Alors tu as vu quelque chose de beau ? Le Rodriguez ne t’a pas déçu ?  Le Brel dans la carrière Boulbon, je ne vois pas l’interêt.Tu as fait de belles rencontres ? On y va pour ça tout de même. Je trouve que le bar du In ouvert à tous c’est sympa. Cette histoire de langue arabe c’était pour distraire la galerie et énerver le Figaro. Oh là, t’as lu, le Figaro trouve la programmation exécrable, ils parlent de festival woke et d’un entre- soi étouffant. N’empêche que le off commence à gagner un peu de reconnaissance. Du monde il y en avait. Et cette déclaration du festival qui se prononce officiellement pour la Palestine ? L’irruption du théâtre privé un peu partout, la Scala, neuf spectacles.  La ministre de la Culture veut éviter la cour d’honneur, elle va assister à une animation dans un Ehpad,  je la comprends, elle dit clairement ce que je pense tout bas, le sens de la  subvention est clairement perdu. La conquête d’un nouveau public, les droits culturels, on n’en parle plus. Le Off affiche clairement la couleur, on joue pour trouver des dates.

La consommation effrénée de spectacles des CSP + me pose question. Etait ce un bon cru? En fréquentation, ça a battu des records. 1,6 million de billets vendus dans le off qui proposait 1735 spectacles, 60 % de remplissage  et 120 000 dans le In. Remplissage de 98%

C’est paradoxal, tout le monde se plaint et parle d’une Culture qui se meurt faute de moyens et tu assistes à ce foisonnement impressionnant, même la Comédie Française présente un spectacle dans le off. Vitalité ou cancer ? Je suis frappé par la pauvreté des commentaires et des débats. Pauvres compagnies qui suent pendant un an pour s’entendre dire : on a passé un bon moment, c’était super ou bien j’ai pas accroché.

Et puis le grand débat : le goût de la critique est souvent opposé à celui du public. Ma pauvre Léna Breban en sait quelque chose, son Mariage de Figaro est déchiqueté par le masque et la Plume sur France Inter, or le public adore, 600 places vendues chaque soir à la Scala, reprise à Paris de septembre à Janvier. Est -ce elle le nouveau Michalik ? (Léna faisait partie de l’Unité lors de notre 2500 à l’heure ).


J’en ai fait des “Avignons”, dès 1964, jeune spectateur qui ne faisait pas encore de théâtre, j’étais descendu de Paris en vélosolex,  j’ai le souvenir de Lorenzaccio avec Gérard Philippe  : veux tu que je m’empoisonne oui que je me jette dans l’Arno; les Russelaï seuls valent quelque chose, ah les mots les mots les éternelles paroles, puis 1968 je vendais France Nouvelle l’hebdomadaire culturel communiste, Vilar n’avait pas d’argent sur lui, je lui offrais.

J’allais aux débats du verger, je me nourrissais de Vilar. C’est le living théâtre qui créait la polémique, Julian Beck réclamait la gratuité, les gauchistes hurlaient à la porte des Carmes, Vilar Salazar ! Vilar gardait la porte avec la CGT, j’étais  aux premières loges. Vilar : chez le boucher on paie sa viande, donc le théâtre ne peut pas être gratuit.

En 1969, coup de tonnerre, Béjart dans la cour d’honneur avec Messe pour un temps présent et quatre jeunes compagnies sont invitées aux Carmes.  Discussions un peu partout.

C’était énorme, faire rentrer la danse contemporaine à la Cour d’Honneur ! Et quatre metteurs en scène inconnus. Hervée de Lafond que je ne connaissais pas encore jouait dans le Roi Nu mis en scène par Michel Berto


1971 Vilar meurt.


1972 avec l’Unité , l’avare and co au foyer des jeunes travailleurs de Champleury, Hervée dit que nous avons ouvert le off, et les premières parades. Lavaudant jouait aussi  dans le même foyer avec son théâtre partisan. On est repéré par Gintzburger, accompagnateur de compagnies qui nous prend dans son écurie.

Premier contrat dans la foulée : Liège festival international du jeune théâtre. Anecdote. On a carrément l’argent pour louer un autocar, on décide d’y aller avec nos vieilles voitures et là catastrophe, grève générale en Belgique, une de nos 4 L est tombée en panne d’essence, le théâtre royal  est plein et à cinq minutes de la représentation, il manque 4 comédiens. Il va falloir avouer notre forfait. je vis les cinq minutes les plus cauchemardesques de ma vie, soudain,  les 4 font irruption, on a fait une représentation inouïe, dopée par la peur, on rapporte nos premières critiques élogieuses


1977, on joue sous chapiteau Dernier Bal  au Angles, au dessus d’Avignon on fait une parade, la 2 CV théâtre, place de l’horloge.

Puis tractage , je suis tellement épuisé que je m’endors sur scène.  Le public aime la parade, on a personne au spectacle, le chapiteau s’envole. C’est la faillite.

1978: Cyrano promenade une déambulation modeste mais qui a marqué Jean Pierre Marcos d’Amiens qui m’en parle encore, c’était le matin aux Angles en 1978.

1978, on est fou,  on va mourir, il faut que l’on marque le point si on veut obtenir une place  de compagnie associée à St Quentin en Yvelines qui nous sauverait.

Me prenez vous pour une éponge Monseigneur, sur la crête des Angles , théâtre paysager, on obtient un article dans le Monde, signé Colette Godard, un quart de page. Nous gagnons l'appel d'offres, un lieu, une subvention. On respire.

Ensuite nous allons être pris dans le IN avec notre théâtre de rue, une page dans Libé écrite par JP Thibaudat nous sauve de l’anonymat .

De nouveau dans le IN en 1981 avec Le mariage,  dans une villa à Pernes les Fontaines, fiasco, Libé via JJ Samary écrit que le mariage a tourné au divorce.  On le croise dans la rue, on lui dit que c’est la vérité.

Puis encore le IN radio festival

De nouveau IN avec l’Avion en 1991 sur l’esplanade du palais des papes, 2000 personnes le Monde nous démolit, mais on est au journal télévisé de France 2.

Puis théâtre des halles en 1997, avec 2500 à l’heure, on est au sommet, on remplit dès le 14 juillet, il faut gérer, le succès.

2003, la catastrophe, Térezin , la grève, on ne joue pas mais on doit payer la location du théâtre, on fait des performances. La pièce meurt, zéro contrat l’année qui suit. Dur dur.

2005  : promenade avec  Luther,  d’Yves Ravey un solo d’Hervée au théâtre des halles qui ne trouve pas son public

Hervée lors d’un spectacle de Pascal Rambert  s’exclame pendant un changement de décor : Qu’est ce qu’on vous fait de mal pour que vous nous fassiez tant souffrir ? Toute la presse reprend cet épisode rare. La programmation de Vincent Baudriller est sur la sellette.

Ensuite ce sera Villeneuve les Avignon , avec Oncle Vania  à la campagne, puis la Nuit Unique,  et j’en oublie.

Avignon incontournable, c’est là que se construisent ou se défont les carrières des compagnies.

3 semaines pour s’imposer ou se désagréger.

Lieu des toutes les cruautés, ou de toutes les joies.  Débarcadère des volontés, carrefour des inquiétudes.

Cette année 2025, je ne suis pas allé à Avignon.

Qui peut mieux raconter Avignon que quelqu’un qui n’ y est pas allé ?




  






 
 
 

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