Notre spectacle l'Avion qui avait fait polémique en 1992
Il y en a qui pensent que parce qu’on est vieux, on est sage, parce qu’on est sage, on a du savoir, parce qu’on a du savoir, on a de l’expérience, parce qu’on a de l’expérience, on a des avis sur la politique, la science et les arts.
Jadis on avait les instituteurs et les curés qui avaient de l’instruction et donnaient leurs avis. Jadis il y avait des utopies en marche, on essayait de les suivre. Mais maintenant à qui se fier ? Pascal Praud ? Finkelkraut ? Serge July ? Jérome Fourquet ?
Sans arrêt, je suis sollicité, et toi t’en penses quoi ?
Donc je vais assister à la palme d’or 2024 du festival de Cannes. Une palme d’or, franchement je ne prends pas trop de risque. Tout le long du film je m’interroge, mais c’était ça le meilleur des films de Cannes ? A la sortie je me précipite pour lire les critiques de ceux qui s’y connaissent. Les critiques de Télérama, le Monde, Libération les Echos. Je ne m’y retrouve pas. D’accord, tous saluent la performance de Mickey Madison en prostituée, mais pour moi, rien n’est crédible. On a voulu récompenser une comédie légère. Je comprends : le jury éminent visionne des dizaines de films à contenu sérieux, alors Anora c’est une récréation, il y a du sexe, du bling bling et l’inévitable panorama sur la mer, des courses poursuites. Bof, 12/20 ma note à moi.
On me demande souvent mon avis en théâtre. Je m’y connais mieux. En théâtre j’ai monté avec Hervée plus de 80 spectacles, j’ai même suivi l’Institut d’études théâtrales, j’ai été étudiant à la Sorbonne en lettres, et en cinquante cinq ans de carrière j’ai du voir 2000 spectacles.
C’est là que survient le divorce, mon avis est souvent très différent de celui du public.
Une anecdote : deux critiques sortent d’un spectacle, et l’un dit à l’autre : il n’y a que le public qui a aimé. C’est souvent mon cas. Le public applaudit frénétiquement et moi je reste froid.
J’applaudis très rarement, rien ne me plait vraiment. Alors on me demande : t’as aimé ? Je réponds : je n’ai pas dormi c’est déjà ça, car je suis souvent pris de narcolepsie violente. Mais t’as aimé ou pas aimé ? Y a pas de mots en français pour dire : j’ai aimé et pas aimé tout à la fois. Quand c’est le metteur en scène du spectacle qui pose la question je suis bien embarrassé. J’ai un proverbe qui traine : si tu veux garder des amis ne va pas voir leur spectacle. Rares sont ceux et celles qui reçoivent la critique sereinement. Donc on enrobe le propos. On pose des questions : c’était quoi ton urgence ? Je n’ai pas bien perçu le contenu etc.
Maintenant c’est devenu notre vie, nous visionnons aux trois Trois Oranges les compagnies en résidence, et nous faisons nos “retours”. Le rituel est souvent est un peu acide, un peu tendu, mais souvent on nous remercie pour notre parole dite “cash”.
Ce n’est jamais facile pour un artiste de savoir où il en est. Il peut y avoir certes une marge d’erreur. il y a aussi des nouvelles valeurs et notre logiciel mérite d’être actualisé, par exemple en ce qui concerne le wokisme ou le genre.
Le dernier paramètre concerne les espoirs de tournée. Les critères sont sévères. Le prix de cession, la fiche technique, la jauge, le sujet, la notoriété de l’auteur, l’accessibilité familiale. Un contenu trop politique peut vous mettre sur la touche.
Jouer plus de 40 fois dans l’année devient un exploit. La diffusion est devenue le point crucial de la création théâtrale. Il ne suffit pas de plaire au public, il faut plaire à ses pairs et aux professionnels qui dirigent les établissements théâtraux et les festivals.
Il faut une sacrée dose de courage pour affronter les obstacles d’une création théâtrale de nos jours, Il faut avoir une foi bien accrochée.
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