Billet du 9 juin 2025, l'avenir c'est notre passé
- livchine
- 9 juin
- 3 min de lecture

C’est affreusement bizarre, dès que je me mets à dire tiens je vais essayer de penser, il y a Rimbaud qui vient se mêler à la conversation, comme les airs de chanson qui s’incrustent en toi tout le jour, là c’est : je m’encrapule le plus possible
Cela ne s’explique pas.
Il est évident que l’heure de la fin approche, alors nous mettons non sans mal une transition, une transmission de la Maison Unité.
Ce qui change aujourd’hui c’est qu’à l’Unité nous avions toujours un avenir devant nous, des dates à honorer, une idée à developper, quelque chose à écrire, mais là c’est fini, notre avenir est derrière nous, l’avenir c’est notre passé.
Ça y est l’émission de radio de France Culture de 2 H 30 est passée , le bouquin va sortir, je peux donc tenter de commencer à comprendre qui nous étions. C’était quoi la différence de l’Unité avec la galaxie théâtre ? Je ne vais pas réussir en un seul jet, mais sans aucun ordre je dis ce qui me vient .
— Nous étions 3, je n’ai jamais entendu des compagnies annoncer 3 personnes et signer les spectacles à 3, car même si Claude Acquart a ouvert un jour un atelier indépendant il a toujours été et est encore là.
- Nous avons réussi à vivre “hors cases” toute notre vie, jamais nous n’étions cadrés, dans l’émission de radio de France Culture, je ne parle pas par exemple des spectacles sous chapiteau pour 5000 personnes avec des sortes de vedettes un peu éventées, Nino Ferrer, Nicoletta, William Sheller, c’était nous et pas nous tout à la fois, mais c’est bien étrange de changer de jauge sans arrêt, de 2 à 40 000 personnes
- Nous étions des fous de la conquête des villes en nous servant de nos pièces comme armes de construction massive. Cela ne se trouve pas chez les autres. Ils enchaînent les créations, ne vont pas quitter leur théâtre pour engendrer des événements et des fêtes qui allument l’espace social.
-La carrière descentionnelle ça c’est un concept bizarre. On avait pourtant écrit dès 1972 une espèce de plan d’ascension comme les alpinistes, on appelait ça les camps de base. On les numérotait.
Le point culminant c’était diriger une institution. Comme on répétait à Chaillot, nous avions des idées pour Chaillot, et puis de l’intérieur on a senti que ces théâtres nationaux étaient condamnés à être figés, que nous n’y arriverions pas, alors on a juste tenté la petite institution scène nationale, là on pouvait faire vibrer l’outil, mais au bout de neuf ans, nous avons commencé notre descente. Oui, nous étions à Paris puis en banlieue puis dans une sous-préfecture puis dans une petite ville de 14000 habitants -.
-La foi : quand nous nous écoutons parler, nous sommes poussés par un élan incompréhensible sauf par Lacan.,
Hervée essaye de définir ce qui l’animait : la haine des vies gâchées..
Claude Acquart n’avait pas envie d’une vie tracée d’avance lui qui fréquentait dès sa jeunesse les grands du théâtre, et moi je trainais ma culpabilité de gosse du seizième arrondissement qui rêvais de rendre aux pauvres tout ce que les riches leur avaient pris.
Nous pratiquions la création et l’invention à jet continu.
Nous n’étions pas du genre à déposer des projets en attendant que l’argent vienne.
Grâce à nos stages nos ateliers, nos ruches, nous n’arrêtions jamais d’essayer de nouvelles formes.
Qui eût dit qu’un modeste essai de théâtre d’actualité allait durer vingt ans et 177 éditions et que cela allait nous survivre.
Et que cette 2CV théâtre destinée à n’être jouée que dix fois comme parade, allait tenir la route pendant vingt ans ?
-Et puis la notoriété ? On a compris assez vite que si le régime de l’anonymat était notre quotidien, on allait se faire enterrer, il fallait que d’une manière oui d’une autre l’on parle de nous pour sortir de l’ombre.
Il a fallu mettre des moyens dans la com et ne pas lésiner sur de bonnes attachées de presse, car c’est triste mais c’est comme ça.
On parle de toi dans Libé le Monde ou Télérama, t ‘es sauvé, tu es estimé, tu n’es plus considéré comme un paria, un galérien de la culture, un sous -animateur.
Mais aller dans une banlieue ouvrière loin de Paris c’était se condamner à mort.
On a dépassé l’âge de la retraite de plus de 20 ans.
Voilà quelques lignes qui me viennent tandis que je regarde une finale de tennis de 5H 25, qui raconte l’invraisemblable joie de la gagne.
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