
Pourquoi toujours des plans en trois parties comme on apprend à l’école ? Livchine pratique les 14 parties.
LES 14 OBSTACLES
écrit en 1990
Pour réussir à jouer un spectacle dans une des soixante Scènes nationales, ou dans un des quarante Centres Dramatiques Nationaux ou dans un de nos trois cent cinquante théâtres municipaux, une compagnie doit franchir une série d'obstacles dont voici la sommaire description :
1er obstacle
Passer le standard. Le directeur-programmateur est soit en réunion, soit en rendez vous, soit en déplacement.
2ème obstacle
Vous avez le directeur au téléphone, comptez environ quinze appels, il faut qu'il ait remarqué votre dossiers parmi les soixante dix dossiers qu'il reçoit chaque semaine. En principe il dit qu'il veut voir le spectacle mais son calendrier est archi plein aux dates où vous jouez. De toute façon il s'estime que c'est trop loin .
3ème obstacle
Le directeur s'intéresse à votre spectacle, il vous accorde un rendez vous ou il vient le voir. La plupart du temps le spectacle ne correspond pas à son type de public ou aux priorités de sa programmation, oui il a quelques réserves malgré de "très belles choses".
4 ème obstacle
Il est séduit, il a envie de vous programmer, malheureusement vous n'êtes pas dans sa fourchette de prix, il trouve votre équipe trop nombreuse.
5 ème obstacle
Formidable, le spectacle lui plaît, le prix lui paraît convenable, mais le directeur technique de l'établissement met son veto, le spectacle n'entre pas dans le théâtre, il manque de la profondeur, des dégagements, de l'ouverture ou de la hauteur sous grill.
6 ème obstacle
Techniquement ça rentre. Tout est impeccable, mais il a un calendrier rempli un an à l'avance, il n'arrive absolument pas à trouver les trois dates qui lui conviendraient.
7 ème obstacle
Vous avez envie de signer le contrat au plus vite, tout baigne, mais, un de vos acteurs a signé ailleurs, parce que ce que vous lui proposiez l'immobilisait trop longtemps pour peu de cachets. S'il faut remplacer l'acteur, il faut rajouter quinze jours de répétitions, tout s'écroule. Horreur.
8 ème obstacle
Un problème se pose concernant la sécurité. Le directeur technique doit convoquer la commission de sécurité qui émet un avis négatif. Le maire ne peut passer outre, pourtant vous avez joué dans dix villes où tout s'est très bien passé. Rien à faire.
9 ème obstacle
Vous êtes sur le point de signer. Fax, la salle n'est plus conforme aux normes de sécurité, le directeur s'en excuse, mais il y a huit mois de travaux, la saison est annulée remplacée par des petites formes.
10 ème obstacle
Un collectif frappe de plein fouet votre directeur, il doit faire des choix, c'est justement votre spectacle qui saute.
11 ème obstacle
Tout va bien, le contrat est enfin signé, un coup de fil trois semaines avant vous avertit que vue le faible nombre de locations, il faut annuler, car au moins le directeur n'aura pas à payer les transports et les défraiements, vous toucherez le cachet sans jouer.
12 ème obstacle
Le spectacle tombe un jour de grève générale, ou de deuil national, cas de force majeure, il faut annuler.
13 ème obstacle
Horreur. Le directeur était sûr d'avoir son contrat reconduit, coup de théâtre, il est renvoyé, son successeur n'assume pas les choix de son prédécesseur, vous passez à la trappe.
14 ème et dernier obstacle
Vous avez joué, cela s'est bien passé, vous êtes heureux, vous attendez le chèque, le directeur vous annonce qu'il est en cessation de paiement ou en liquidation depuis la veille, l'affaire est entre les mains d'un syndic, les comédiens seront payés par le GARP, mais pour la compagnie, rien. c'était un contrat important, vous mettez la clé sous la porte et changez de métier. Vous vous portez candidat à la direction d'une Scène nationale.
Texte écrit en 1990
Quatorze réflexions sur la formation de l'acteur
Septembre 2012 Angers. Colloque
1- La formation d’un acteur est toujours ratée. Soit il ne fait qu’imiter son modèle et c’est donc raté, soit il s’oppose au modèle et prend une voie tangente et c’est encore raté.
2- Il existe une fomation dite passive. Comme existe le tabagisme passif, quelqu’un qui naît dans un milieu de théâtre qui dès son plus jeune âge connait les ateliers de construction de décor et les plateaux de répétition, celui-là sans aucune étude préalable se retrouvera scénographe ou même comédien.
3- Aucune école de théâtre, aucun centre de formation ne peut former un artiste. On ne va pas demander à Van Gogh ou Gauguin son cursus de formation. Devenir artiste, c’est un cheminement une alchimie personnelle, une envie exceptionnelle.
4- En matière d’Art rentre en jeu ce que l’on pourrait appeler la foi. Si t’es capable d’exercer un autre métier que celui d’acteur ou de metteur en scène, il faudra que tu fasses l’autre métier. Le théâtre n’admet aucun cumul, il est possessif et s’empare de toi à 100%.
5- Comment déceler une graine d’artiste ? C’est quasiment impossible . Des collégiens doués au talent prometteur , on en rencontre partout, mais s’ils n’ont pas le désir irrésistible d’en faire un métier, un mode de communication, ils sont sans intérêt. C’est souvent un profil sans don particulier, qui va grandir et pousser, mû par une immense passion et va grandir par les essais, le travail, les ratages jusqu’à pouvoir prétendre à la fonction d ‘artiste dans la société.
6- La formation c’est long. Il faut attendre souvent dix ans avant de voir les premiers fruits. Les évaluateurs de Ministères se trompent lorsqu’ils veulent du résultat effectif sur le champ.
7- Former , transmettre. Le théâtre n’est pas de la cuisine, ce n’est pas une science, c’est souvent en se perdant avec ses apprentis, en cherchant avec eux, qu’il arrivera quelque chose. Pour trouver, il faut se perdre.
8- On pourrait écrire les lois du théâtre de rue, ou au moins quelques principes fondamentaux. Mais bizarrement personne ne s’y conforme : exemple : être vu, être entendu, ne pas singer la télé, décaler, ne pas oublier “le qui quoi où”. Pratiquer le R.I.T.E.S (Regard immobilité, timing, espace sincérité ). C’est encore la soi -disant spontaneité qui est l’apanage du théâtre de rue.
9- Quand on demande à quelqu’un pourquoi il fait du théâtre il est bien embarassé, car il ne sait pas bien. Souvent les fausses raisons sont les plus nombreuses : narcissime, exhibitionnisme. Il faut que chacun puisse répondre à cette question fondamentale.
10- Un acteur se fabrique comme un diamant. Il est dans une gangue de minerai, et il faut le dégager et le tailler. Il ne doit pas rester avec son premier tuteur, le théâtre n’aime pas la monogamie, il faut qu’il passe au moins un ou deux ans dans une vraie école, puis goûte dans des stages vers quel théâtre il a envie d’aller.
11- Le drame de l’acteur, c’est quand il n’arrive pas à se détacher de sa formation, c’est quand il est formaté, comme le sont les jeunes du Conservatoire National en principe préparés pour jouer à la Comédie Française.
12- Les écoles de théâtre ne sont pas comme les écoles d’ingénieurs, les labels artistiques n’ont aucune valeur, et n’ajoutent que peu de plus -value à l’acteur. Nécessaires, les écoles mais pas suffisantes.
13- Les jeunes artistes sont souvent ignares et étudient peu l’histoire du théâtre, la naissance du théâtre et tout ce qui s’est fait avant eux. Parlez de Craig, d’Appia, de Piscator de Meyerhold , de Stanislavski, souvent ils n’ont jamais entendus leur nom et même Copeau, Dullin Vilar, ils croient qu’ils vont tout inventer sans se soucier du passé. Erreur fatale
14- L’essentiel de ce qui fait l’acteur ou le metteur en scène ne s’apprend pas. On n’enseigne pas la passion, on n’enseigne pas le charisme, le rayonnement, on n’enseigne pas pas la prise de risque, on n’enseigne pas ce qu’est l’amour du public populaire. On peut juste seriner de façon obssessionnelle que le théâtre est né populaire et qu’il devrait le rester ce qui n’est jamais ou très rarement le cas.
LES 14 NIVEAUX DE L’AMOUR Premier niveau - C’est un courant minuscule qui passe entre deux personnes, une attraction si légère qu’elle n’est pas mesurable. Des niveaux 1 de l’amour, on peut en connaitre dix par jour mais la plupart restent sans suite. A celle que l’on connait à peine , qu’un destin différent entraine et qu’on ne retrouve jamais”. (Les passantes, chantées par Brassens)
Second niveau Le minuscule courant imperceptible monte en intensité. Vous lui parlez, il ou elle répond. Une relation s’engage, banale à souhait. Tu viens d’où ? tu fais quoi ? Les niveaux 2 de l’amour, on en collectionne des centaines, c’est la camaraderie , une attraction légère, un intérêt réciproque, une relation de travail, rien de plus. Troisième niveau Vous cherchez à vous placer dans un espace géographique commun. A table, vous choisissez une place un peu proche , si c’est au lycée, vous tâchez de vous trouver à la même table. Les échanges sont plus précis. Tu aimes quoi dans la vie, tu lis quoi ? On essaye de se trouver des zones de partage et de la complicité. Quatrième niveau Le corps entre en jeu par des stratégies indirectes. “ Il est joli ce collier, ou cette bague” et vous accompagnez la phrase d’un geste qui va vous permettre de frôler la chair de la personne. Cinquième niveau Faire un petit tour. C’est une importante bascule, une charnière qui va ouvrir la route à faire plus ample connaissance. Il s’agit de se retrouver seul à seul, ( ou tous seuls les 2 ) sous n’importe quel prétexte. Style ; je vais à la poste, tu m’accompagnes ? ou en plus romantique, on se promène au bord de la rivière ? sixième niveau Si au cours de cette promenade vous sentez un lâcher de petites toxines invisibles, une sensation de légèreté ou de bien être, vous allez passer en 7. Sinon vous en resterez au sixième niveau, la complicité
septième niveau La conversation commence à aborder l’intimité. On essaye de savoir si l’autre est libre ou serait prêt à se libérer, les confidences vont bon train. Sous des arguments encore déguisés l’envie de poursuivre le chemin de l’amour se traduit par des invitations au théâtre au concert au restaurant. Et peut- être même un premier petit cadeau. “J’ ai pensé que tu aimerais ce livre”. On sent par moments des battement de coeur plus rapides. Huitième niveau Après quelques heures passées ensemble, la nuit est tombée. Il va falloir se quitter, vous raccompagnez la personne en voiture au bas de sa maison ou de son immeuble, vous avez coupé le contact et vous sentez très clairement les petites toxines qui galopent et là c’est le moment important. “On se boit un dernier verre ? j’ai une excellente vodka”. Soit c’est un non catégorique, et l’amour en restera au numéro 8, soit c’est un oui, on passe au 9 Neuvième niveau Tout va se jouer dans la façon de s’asseoir. Peut-être la personne est prête au cote à cote, alors l’attraction affleure gravement. Soit il y a déclaration verbale, style : sens -tu quelque chose entre nous , soit il y a un langage des mains qui s’étreignent, si la réciprocité est totale , cela peut aller très vite ; s’il y a encore des appréhensions, de la crainte, l’envie de ne pas céder, l’amour en restera au neuvième niveau. Amour sans conclusion charnelle. Dixième niveau Avant la concrétisation, nul n’est capable de deviner comment cela va se passer. Il y a une quantité de paramètres non mesurables qui vont soit stimuler le désir soit l’empêcher de s’exprimer, le mental est ingérable. Soit ce sera l’aventure d’un soir et les deux parties décident d’en rester là pour un tas de raison, soit on passe au numéro Onzième niveau C’est l’amour fou. Cela fonctionne, on se revoit le plus souvent possible. Il y a fusion. Il y partage des corps, partage des passions, Douzième niveau On ne peut plus se quitter, on s’installe ensemble. On présente l’être aimé à sa famille, on prévoit un mariage, une descendance etc. C’est une affaire sérieuse
treizième niveau La vie quotidienne en couple est dure à supporter, presque étouffante. La naissance de l’enfant désiré est finalement une catastrophe, déséquilibre l’écologie du couple, la femme se plaint du non investissement du mari, plus rien ne va. C’est la séparation, chacun repart sur une nouvelle histoire et se retrouve rétrogradée au N° 1 Quatorzième niveau
L’union a plus de 30 ans, les enfants ont grandi, ont quitté la maison, les infidélités ont été gérées avec plus ou moins de bonheur , mais les mots d’amour on disparu, le désir effréné aussi, il faut recommencer au niveau 4, la promenade romantique à 2.
14 phrases qui me font avancer
1- Il faut aller du compliqué au simple
2- Invente ou je te dévore
3- Pour trouver il faut se perdre
4 – rater mieux
5- Regarder la vie en farce
6- Nous sommes des « voyeurs, voyants, voyous »
7- L’art est une arme de construction massive
8 - Il faut toujours chercher le point de décalage poétique
9- A quoi à ça sert la culture ? A quoi ça sert un arbre. La culture est la chlorophylle de l’esprit.
10 – Il faut se battre avec les armes de l’esprit.
11 – Je veux jouer pour l’élite de la sensibilité.
12 – C’est la haine des vies gâchées qui me tient en éveil. (Hervée de Lafond)
13 – L’Unité, c’est toujours autre chose
14- Il faut aller là où il y a du désert.
ONCLE VANIA A LA CAMPAGNE EN 14 POINTS
Etre fidèle à L’Oncle Vania de Tchekhov, c’est ne pas se laisser intimider par ce chef d’œuvre. C’est mettre en valeur l’essentiel, la modernité du texte
1- Traduction.
Celle de Jacques Livchine est très fluide. On ne garde qu’un seul nom par personnage. Tchekhov défend la simplicité. Pas d’archaïsme, pas de « petit père »
Et quand Livchine doit traduire « il nous arrive un Revizor » citation que connaissent tous les russes. Il choisit de faire dire au professeur « Le petit chat est mort’
2- Coupe de printemps.
On est à l’époque de Tolstoï, de Dostoïevski, de Victor Hugo, époque des longues descriptions, des romans fleuves.
Tchekhov quoique concis, nous gratifie de quelques « tunnels ». Nous nous sommes permis de les élaguer, ce qui ne change absolument pas le sens de la pièce.
Lors des premières représentations, nous avons vite senti qu’il fallait passer de 2 H 30 à 2 H .
3- Eclaircissement/Véra
Selon nous , la pièce ne devient passionnante que si on en comprend parfaitement le mécanisme. Nous avons voulu aller jusqu’ au bout du personnage de Véra qui n’est pas là physiquement, c’est la sœur décédée de Vania. Quand on sait, d’après la biographie de Tchekhov, l’importance et l’amour de sa soeur, nous avons compris qu’il fallait montrer d’une manière ou d’une autre cette sœur décédée dix ans auparavant.et le rôle que peut jouer un mort dans nos vies.
4- Les Moujiks ou paysans
Il y a quelques petits personnages, 1 cocher, 1 gardien que d’habitude on supprime pour raisons d’économie. Et à un moment on entend frapper, ce sont les paysans du domaine. Plus tard il est dit « qu’est ce qu’ils voulaient les paysans « . ils veulent des terres ». Nous sommes 60 ans après l’abolition du servage, la réforme a du mal à se mettre en place. Vania s’occupe d’une grande exploitation agricole, c’est un Koulak , il a des moujiks sous ses ordres. D’où la présence d’un groupe de moujiks qui éclaire la pièce d’une façon inhabituelle et la replace dans son époque.
5-Olga Knipper. la femme de Tchekhov.
Entre les actes intervient un personnage, la femme de Tchekhov dont nous avons épluché la correspondance, et qui nous parle de son écrivain. C’est un peu comme dans les DVD, le making off. Plus on connaît les objectifs de l’écrivain plus la pièce présente d’intérêt.
6- La Voix Off d’Hervée
Encore un petit ajout, histoire d’améliorer la compréhension. Hervée intervient quatre ou cinq fois pour souligner les axes de mise en scène, mais évidemment avec humour et ironie.
7 – Les SMS
Clin d’œil au village où on joue. Les SMS passent sur une machine archaïque des reflexions du public. Il sont différents selon les lieux et l’actualité
8-La scène est une pâture ou un pré.
L’idée de jouer en décor naturel nous est venu de la biographie de Tchekhov qui adorait la nature et qui s’est acheté tout le long de sa vie des domaines, où il aimait donner des représentations. Ce redéploiement de la pièce en espace ouvert est un des partis pris les plus innovants de la mise en scène.
On joue une heure et demie avant le coucher du soleil et on termine quand il fait noir.
9- Les Slams
Façon songs de Brecht. Les personnages à l’avant- scène laissent apparaître leurs passions brûlantes dans des vers slamés.
10- Le cérémonial
Jacques Livchine a réintroduit des traditions russes qu’il tient de ses parents.
Distribution de pain et le sel à l’arrivée du public.
Thé de l’entracte. (servi à quelques personnes du public) on en fait qu’une courte pause.
Soupe russe cuite pendant la pièce. Vatrouchka gâteau au fromage. Vodka. Le tout est distribué au public, contre 1 €.
Ces moments rituels sont fondamentaux. On se mélange au public à la fin. Moments d’émotion, qui font de ces soirées quelque chose de spécifique que les gens n’oublient pas.
11- Les animaux
Ils font partie du décor. Tchekhov aimait beaucoup les chiens et il est clairement écrit que la chienne Youtska fait partie de la distribution. Donc nous avons une chienne, Pina, qui sait parfaitement où elle intervient.
On aime bien avoir quelques vaches en fond de pâture. On négocie toujours le passage galopé d’un ou deux chevaux.
La nature nous fait parfois des cadeaux. Vol d’oies sauvages, hirondelles.
12- Un frère et une sœur
Nous avons voulu représenter Vania et sa sœur Véra petits. Deux vrais frères et sœurs font partie de la distribution, avec toutes les autorisations nécessaires bien entendu.
13- Le cauchemar de la révolution
Nous avons imaginé qu’au second acte, les personnages ne dorment pas car ils ont peur de ce qu’ils pressentent, la révolte des moujiks et des ouvriers. En fait à peine un an après la mort de Tchekhov éclatera la première révolution russe, et l’on sait ce qu’il advint sous Staline des petits propriétaires de terre.
14- Au fait c’est quoi l’histoire ?
Le sujet, c’est l’histoire de gens qui gâchent leur vie, mais dont l’espoir final c’est qu’un jour les souffrances se termineront. Comme dit Tchekhov : oui je veux montrer aux gens comment ils vivent mal, comment leur existence est ennuyeuse, et quand les gens comprendront ça, ils chercheront sûrement à inventer une vie différente et meilleure.
Tout le monde se reconnaît dans cette pièce. Le génie de Tchekhov, c’est comment il procède par petites touches de vie pour créer l’ensemble.
14 HAINES TENACES
1 Je déteste les théâtres dont le hall ressemble à un funérarium
2 Je déteste les directeurs qui font barrage
3 Je déteste les plaquettes ; un texte, 1 photo 1 texte 1 photo
4 Je déteste les formules comme au resto « malin, jeune , fidèle, 2 pour 2
5 Je déteste les applaudissements polis des abonnés. La consommation conformisée
6 Je déteste quand il n’y a pas de troisième mi-temps.
7 Je déteste le Molière qu’on met pour les élèves
8 Je déteste le profil de poste « programmateur » « pas de vagues »
9 Je déteste le public uniforme, et les cadeaux offerts à des gens qui pourraient payer
10 Je déteste la nouvelle culture de théâtre public, lisse, excellente, impeccable
11 Je déteste les théâtres nationaux, qui devraient être des ruches vibrantes et qui sont des mausolées mortifères, 1 seule garantie , l’ennui.
12 Je déteste ces directeurs qui n’ont pas le courage de te dire un seul mot à la fin de ton spectacle
13 Je déteste l’annonce sur les portables
14 Je déteste que l’on commence par le théâtre par une déchirure, celle du ticket. Je ne supporte pas cet acte inamical
AURILLAC 2008
1- En fait tout le monde rêve qu’il y ait un jury à Aurillac comme à Cannes, avec remise d’une palme d’or. Sauf qu’il faudrait réduire la compétition au IN, car sur 600 spectacles, comment faire ? Bien sûr on est obligé de rester dans le « tavukoi » « keskitaplu » ? J’ai eu le malheur de côtoyer dans le festival une invitée de JMS, qui est une figure du théâtre. Ex de l’Onda, puis directrice de théâtre à Paris, un théâtre très au fait de l’innovatoire. Son regard m’a intéressé quand après deux jours elle a déclaré « c’est d’un vide sidérant tout ça ». Je fais cette remarque incidemment.
2- J’ai eu un grave problème qui m’interpelle. Je suis allé au quatrième jour voir des marionnettes In au théâtre d’Aurillac. Le silence, le confort, le délice, un spectacle sur Ubu, huilé, proche de la perfection. Après quatre jours debout, ou assis par terre, ou sur des tabourets plastiques, ou des vieux bancs, avec 30% de visibilité, ou penché en avant dans une position impossible, j’ai redécouvert le confort de l’écoute et de la vue. C’est bien les contrastes.
3 - A la vérité je n’ai pas trouvé ce que je cherchais, mais bien -sûr je ne savais pas ce que je cherchais. Au supermarché je trouve toujours ce que je ne cherche pas,
4- A un moment je me suis dit : C’est du boy-scoutisme tout ça. Hyper trop gentillet et familial. Le théâtre de rue : pas de chair, pas de cul, pas de bite, pas de politique ? Peut être qu’il y en avait, mais dîtes moi où ?
5- Cela me fait bien rire les grandes discussions sur l’espace public. Tout les artistes n’ont qu’une seule obsession , le petit coin tranquille, sans bruit, sans nuisance, sans badauds, bien fermé. Dans les conversations d’été, j’ai découvert un penseur qui s’appelle Paul Blanquart qui parle bien de tout ça.
6- Dans la catégorie « rater mieux » que j’affectionne particulièrement, le champion c’est Styx théâtre, Serge Noyelle. Enfin quelqu’un qui cherche à faire fuir le public, il n’y arrive même pas tout à fait. Franchement il fallait oser « les nonos sont dans la rue » parce que là au moins, on a un spectacle radical, et c’est bien comme ça.
7- J’ai sorti pendant « les artistes face au public » une de mes phrases favorites. « Il faut avoir honte ». Je prétends que lorsque l’artiste a honte, c’est qu’il est sur le bon chemin, loin des autoroutes de la création formatée.
8- Si on veut parler succès, on les trouve dans le off-off. Il y a un black qui joue régulièrement place du square, et qui fait un cercle de mille personnes à chaque fois , Je n’ai jamais réussi à le voir. Le public hurle de rire. Je ne sais pas ce qu’il fait.
9- Aurillac c’est Marrakech. La rue des Carmes c’est Place Jemaa-el-Fna. La foule déambule d’attractions en attractions, en enjambant des chiens. Cela me plait.
10 - Nous aimons dénoncer l’attitude consommatoire du public. Je racle ma gorge.
11- Laure Terrier, de Besançon (Cie Jeanne Simone) a trouvé le bon moyen pour ne pas être engorgée de trop de public. Elle donne son lieu d’intervention à 9 H 30, alors qu’elle joue à 10 H. Elle fait partie de ceux qui osent. Elle enlace l’urbain, fait l’amour à des camions, bloque la circulation. Elle m’a laissé des images. On ne sait même pas qui joue avec elle, tant elle se fond dans les gens. Pas de clown, pas de sur-jeu, de la poésie .
12- Marcel Freydefond et Charlotte Granger ont sorti un formidable numéro d’études théâtrales. Une mine. On y découvre toutes les démarches des uns et des autres. Ils disent que le théâtre de rue, c’est le théâtre de l’échange.
13 – Je suis gêné d’en parler, j’ai vu quelques créations du In, mais pas rôdées. Je pourrais en faire des remarques vitriolées. C’est le problème de la soupe. Si tu la goûtes à mi cuisson, elle n’est jamais très bonne. Et pourtant on conçoit bien que Jean Marie préfère faire des paris plutôt que de prendre des spectacles aboutis et triomphants.
14 - A un moment tout le monde parlait de Women 68. (Boussagol, Brut de béton, Prugnard). Chapiteau, gradins etc. et puis plein d’autres spectacles dans des configurations qui n’ont rien à voir avec le théâtre de rue. J’essayais d’interroger les uns et les autres. Ils me disaient : on s’en fout de la rue, ce qui nous intéresse, c’est que cela soit du bon théâtre.
Je mets les pieds dans le plat à quatorze reprises, pas vraiment.
septembre 2004
1-
Curieux courrier. Le faire- part de disparition du CICV. Pas une vague. Un huissier par pli spécial nous propose de reprendre les 14 personnes privées d’emploi, dont belle ironie , son directeur Bongiovanni.. Trois remarques me viennent : a) le total isolement des acteurs culturels. On ne se rend jamais visite, on ne se parle jamais, Chacun dans son pré. On n’est au courant de rien.b) L’opacité du dossier. Qui arrête ? Pourquoi ? Qui a fait l’évaluation ? c) La subvention que versait l’Etat au CICV restera t-elle en Franche Comté ?
2-
On nous parle d’un Bercy local. Les élus sont très excités. Il semblerait que pour ça, il n’y ait aucun problème de budget. Et moi je vois tous les jours de la fenêtre de la maison Unité, la friche Japy à l’arrêt. Il y a là un potentiel communautaire immense, non seulement au niveau de l’aire urbaine, mais au niveau de la région. On pourrait se fabriquer un outil prodigieux qui viendrait en complément de deux scènes nationales, un théâtre municipal, et d’un théâtre pour la jeunesse. Cela pourrait être une Villette »franc comtoise ». ils se paient bien un « Beaubourg Lorrain » à Metz.
3-
Le journal "atmosphère" a eu chaud paraît -il. C’est incroyable. Tout est fait pour décourager la personne qui aime sortir. Chaque année, j’essaye de ranger scolairement les plaquettes que je reçois. C’est la jungle. On ne peut pas lire 7 plaquettes à la suite le soir où on a envie de sortir. Rien n’est fait pour le non-abonné qui picore ici ou là. Je sais, il y a Polystyrène aussi qui s’étend sur l’Est, il y a « Aperçus » et son listing de petits évènements, il y a puissance 29, il y a la presse locale. Mais tout est y présenté de façon linéaire. Et puis nous sommes à une heure de Bâle, où il se passe des choses extraordinaires. Et Zürich ? Comment être informé ?
4-
Quatre ans à Audincourt déjà, La culture c’est végétal, c’est lent. La transition CAP Audincourt a pris deux ans, car nous n’habitons la maison Unité que depuis le 11 juillet 2002.
D’abord la maison est un lieu de croisement comme nous le désirions, repas animés, rencontres, stages , elle prend doucement sa dimension. Evidemment il nous manque l’outil de base que nous avions inventé pour la scène nationale, la maison du Bord de l’eau. Sans arrêt c’est une véritable galère de faire coucher les artistes extérieurs qui nous rendent visite. Tout lieu de création doit être doublé d’ une unité d’habitation. Montbéliard remet à neuf la maison du bord de l’eau qui va être magnifique. Nous, c’est ce qui nous manque le plus. Ce sera notre prochaine bataille.
5-
La saison a été difficile. La crise de 2003 nous a déstabilisé. Nous avons un déficit financier de 26 000 euros sur l’exercice. Nous avions rêvé de changements en profondeur. Mais quasiment rien n’a bougé. Le fait de ne pas avoir joué en Avignon nous cause de graves préjudices au niveau des tournées. Les artistes ont du mal à survivre au Pays de Montbéliard. Le nouveau Ministre nous a administré une potion calmante, mais on sait bien que les analgésiques ne soignent pas. Ce qui me paraît le plus grave, c’est à quel point l’image de l’artiste a été écornée. Tu n’as plus le choix,. Soit tu deviens connu, tu mets tout sur la promotion, soit tu n’existes pas.
6-
Le studio des 3 oranges, c’est notre petit théâtre. Il tourne sans arrêt. Nous le prêtons gratuitement, et souvent à des associations de Montbéliard.
Un bon point : le conseil régional et la Drac nous ont accordé un peu d’investissement matériel.
Nous faisons une fois par mois des kapouchniks une sorte de revue d’actualité théâtralisée.
Les comédiens viennent de partout, c’est la fête, le public a repéré. Bizarrement ce n’est plus le public de la scène nationale, à part les mordus, c’est du public mélangé, mais qui ont tous en commun d’aimer l’humour et d’être impliqué et intéressé par le destin du Monde. Les kapouchniks sont une de nos grandes joies. Nous les faisons sans aucun moyen. Mais maintenant nous aimerions payer les acteurs. Faut -il rappeler que la ville d’Audincourt nous prête les locaux mais ne nous subventionne pas. D’ailleurs nous ne le demandons pas.
7-
Et cette caravane passe en A ?
Je ne veux pas en parler, car je deviens obsessionnel. Je suis amoureux fou de cette opération, je réalise un vieux rêve caché. D’abord c’est l’art contemporain comme je l’aime, décapant, décoiffant, ensuite je pénètre les tissus sociaux qui sont nécessaires à ma respiration de tous les jours. J’ai quitté Paris pour m’arracher au ghetto de la culture subventionnée et à sa consanguinité, si c’était pour faire pareil ici, je mourrais. D’ailleurs, j’avais dit du temps de la scène nationale : « si on n’ouvre pas le Palot, je m’en vais. » Car pour moi c’est le problème N° 1 de la culture, devenir un petit club de gens fidèles et propres sur eux et s’abreuver de culture légitime. Le mot qui me plaît c’est illicite. Quelque part l’Art doit être illicite sinon c’est du divertissement de salon. Et quelqu’un que je respecte dans théâtre, c’est Molière, regardez à quel point il est sévère avec la noblesse, critique vis à vis de la bourgeoisie.
Qui dira autant de mal des nobles, des médecins, des juges, des bourgeois, qui a cette vision de la société aujourd’hui ? Etre artiste c’est savoir se faufiler entre les tabous.
Il nous faut saluer le sous-préfet qui s’est profondément investi pour sauver l’événement au moment où il paraissait compromis. Nous voulons récidiver. Savez vous que le directeur du musée de l’automobile de Houston s’est déplacé à Audincourt ? Savez vous que le directeur du musée de l’automobile de Turin veut prendre contact avec nous ? je le dis comme je le pense : « un événement majeur ».
8-
L’identité de la Franche Comté me passionne.
Nous avons de la chance d’être dans une région détachée de la Bourgogne qui n’a pas encore trouvé de réelle identité. L’appartenance à la Franche Comté n’est pas une fierté en soi.
C’est à nous artistes de donner de l’identité à cette région. Encore faudrait- il que les nouveaux élus soient conscients de l’importance de l’artistique dans le creuset de la personnalité d’une région. On m’a raconté que le rends toi, Nenni ma foi a été suivi d’un autre dialogue du style, c’est qui votre chef, et les comtois de répondre : nous sommes tous chefs. Incroyable réponse, déjà Lip en gestation.
On ne parle jamais de la fabrication exemplaire du Comté, de ses fruitières, on ne parle pas de l’invention des Mutuelles, du PACS, du RMI, toutes inventions parties de Franche Comté, et je ne parle pas des inventions industrielles. Cette région se vend mal. Pourtant il y a du potentiel, il y a tout à faire. Le nouveau conseil régional est pour nous une lueur d’espoir. Mais saura t-il fédérer ses artistes et acteurs culturels ? créer de la synergie ?
9-
Le Ministère de la culture, nous l’avons connu comme une véritable autorité compétente sachant donner des impulsions, et nous assistons à sa décomposition. Nous sommes pour la décentralisation à la condition que l’Etat n’abdique pas. Il est vrai que tout dépend des dispositions du président de la République à l’égard de la culture, pour l’instant on peut dire que nous sommes au plus bas. Nous avons depuis douze ans la même subvention de l’Etat, subvention tout à fait correcte, 134 000 Euros qui garantit notre indépendance. Le problème c’est que depuis que nous n’avons plus à notre disposition un théâtre, nos créations sont singulières et bizarroïdes. Les experts de la DRAC n’ont pas à leur disposition la boîte à outils qui leur permettrait de nous évaluer. Où et comment classer la « caravane passe en A » ? Pour nous c’est du théâtre de route impliquant 90 personnes sur un mois, 6000 kms et 44 représentations devant des gens qui ne sont pas des habitués de la sortie culturelle. Mais pour les experts, ce n’est pas du théâtre « cadré » ce n’est pas de la coproduction, cela ne se joue pas dans des lieux culturels légitimes et reconnus. Pour l’instant tout va bien, nous sommes sur le point de signer une nouvelle convention de trois ans.
10-
Nous sommes fiers et heureux de participer à une opération du Canton du Jura Suisse baptisée « hors des sentiers battus » pour fêter l’anniversaire de la création de ce canton. Nous sommes des « accoucheurs » de chemin. Le sentier des contrebandiers est une boucle qui part de Damvant, un parcours accidenté et splendide de 7 kms, sur lequel nous avons fabriqué quelques irruptions d’irréalité.
Un repas transfrontalier aura lieu les 4 et 5 septembre en pleine nature, à cheval sur la frontière. 50 repas suisses, 50 repas français, face à face surveillés par des acteurs douaniers.
47 acteurs seront placés tout au long du chemin, ils traiteront le passionnant thème de la frontière, les passages clandestins pendant la guerre, les trafics. Une opération importante qui nous a demandé plusieurs mois de travail, et s’il pleut ce sera un ingrédient ludique supplémentaire. Ce n’est pas gratuit, on paie en sueur. Départ toutes les heures à partir du 10 H 15 jusqu’à 16 H 15 depuis la mairie de Damvant. Tenue de randonneur exigée, pas de poussette, ce n’est pas roulant, enfants sur le dos. Comptez 3 H 30 + 1 heure d’évènements irréels. On peut se restaurer de fritures sur le chemin. On doit réserver son repas à l’Unité. 03 81 34 49 20.
Le 9 et 10 novembre nous serons encore en Suisse à Porrentruy pour la St Martin.
11-
A Calais en complicité avec la scène nationale le Channel nous avons inventé le concept de la « rue extraordinaire ». Pendant deux jours nous investissons une petite rue banale qui devient avec l’aide de ses habitants « la rue extraordinaire ». Lors de la première édition, la rue Newton à Calais a vu défiler plus de 6000 personnes. Du jamais vu. C’est le 25 et le 26 septembre. On aimerait bien importer le concept à Audincourt,mais le coût est de 30 000 Euros. Qui va vouloir payer ?
12-
Question créations, nous ne sommes pas dans la norme, nous n’inventons pas sur papier des projets pour lesquels nous confectionnons un beau dossier pour le proposer aux établissements culturels. Nous sommes en perpétuelle création, en perpétuelle recherche. Le problème c’est que nos formats sont souvent inadaptés au marché habituel.
Nous partons en Lorraine ce week- end pour une fête des foyers ruraux. Nous allons y jouer : les cercueils, les rouges, les chaises longues poétiques, l’Ecole Ste Odile, le Branle, + des inventions faîtes sur place. Le programmateur normal n’y comprend plus rien. Il a l’habitude d’acheter un seul spectacle, d’où notre absence sur le marché des festivals de théâtre de rue.
Le Branle sera sans doute notre nouveau spectacle à part entière, deux ans que nous le préparons, c’est une réflexion sur ceux qui voudraient que l’on ne mette en valeur que le patrimoine français. Nous ne l’avons jamais présenté au Pays de Montbéliard.
Les chambres d’amour sont programmées à Haguenau. Et peut être à Arles.
13-
Nous avons tenu à fabriquer un spectacle tout public pour Noël. « L’école des pères Noëls ». Dès novembre, il sera disponible. Huit acteurs, très vivant, très enlevé, mais pas très orthodoxe.
14-
Yves Ravey devient un auteur contemporain en vogue. Il est joué au théâtre de la Criée à Marseille, au théâtre du Rond Point à Paris, à la Comédie française, que de références ! Et il a écrit une pièce spécialement pour Hervée de Lafond. Quel honneur.
Elle n’est pas du tout dans notre style, mais nous aimons l’adversité, alors ce se sera une joie supplémentaire.
Théorie vérifiée.
Les 14 valeurs auxquelles je crois en matière de théâtre
17 mars 2003
1
La mixité du public
Mon mot d’ordre, c’est que dans un public, il doit y avoir aussi bien des femmes de ménage que des professeurs de Faculté., C’est dans ce mélange que la représentation gagne en profondeur.Le public Maif camif représente de plus en plus 80% de la composition des salles des théâtres subventionnés et c’est un drame que d’exclure plus de 90% de la population de la sphère théâtrale et ne s’adresser qu’aux élites cultivées. Le théâtre doit s’adresser à une élite, l’élite de la sensibilité.
2
Cadre et hors-cadre :
On en reste trop souvent à la tradition du théâtre du XIXe siècle du théâtre bourgeois dans son cadre à l’italienne. Le théâtre a existé pendant 2100 années sur les places publiques, dans des théâtres à ciel ouvert, il ne s’est enfermé dans son cadre que depuis 400 ans, il faut renouer avec les traditions anciennes d’un théâtre pouvant naître partout. Brook avait emmené ses acteurs en Afrique en pleine brousse et le film qu’il en a rapporté nous rappelle que le théâtre peut et doit exister hors des espaces qui lui sont traditionnellement réservés...
3
La Fête
Il faut toujours se rappeler que le dieu du théâtre c’était Dionysos, et que le théâtre est né dans l’ivresse et dans la fête. Il faut tenter de retrouver cette fête perdue.
4
L’accessibilité
Olivier Py réclame au théâtre encore plus d’incompréhension. Boulez estime que les œuvres accessibles sont toujours mineures. Non, il faut aller du compliqué au simple. Ce que j’aime dans le théâtre c’est qu’il peut s’adresser à des illettrés et qu’il peut dire ce que ni la littérature, ni la philosophie ne peuvent dire. Le théâtre électrise l’espace et parle dans les silences, il suggère et déclenche l’imagination.
5
La Subversion
Le théâtre ne doit jamais aller dans le sens du pouvoir, il doit faire exploser les idées toutes faites, les idées figées, les lieux communs, il doit irriter, déstabiliser, mettre en cause la société.
6
L’ascenseur
Grotowski disait que le théâtre devait toujours élever l’âme ne serait ce que d’un centimètre, c’est son rôle d’ascenseur qu’il faut toujours privilégier.
7
Une nouvelle forme d’écriture
Le théâtre est trop souvent considéré comme une forme de littérature. La commedia dell arte ne s’appuyait que sur des canevas. Le vingtième siècle a vu naître un théâtre d’images ou le texte n’est plus qu’un ingrédient mineur. ( Kantor, Bob Wilson). On ne peut pas dire que le texte soit fondamental. Le théâtre doit avoir une écriture spécifique. Il ne peut y avoir de hiérarchie entre un théâtre de texte qui serait noble et les autres formes qui seraient considérées comme du sous-théâtre (Art de la rue, improvisation).
8
Meyerhold
Il a ouvert la voie aux mélanges des genres. On doit introduire à l’intérieur du théâtre du style cabaret, des formes corporelles, acrobatiques, circassiennes.
9
Brecht
Brecht souhaitait un théâtre nous montrant que la société pouvait être transformable. Le théâtre peut changer notre vision de la société. C’est sa grande force.
10
Le plateau
C’est lui et lui seul qui révèle le théâtral. Le théâtral c’est ce moment précis où l’air qui existe entre les acteurs et les spectateurs se densifie, s’électrise, où le silence devient plus profond. Le théâtre doit être théâtral.
11
Le poétique
C’est l’art de ne pas tout dire, mais d’évoquer, l’art de décaler, l’art d’être léger. Sans la poésie, pas de salut. Dire sans dire.
12
Échapper au formatage
Les experts, les critiques attendent de nous un certain théâtre. Ils possèderaient eux seuls les critères du bon goût, les critères du théâtre qu’il faudrait faire. Il faut être rusé,
résister, rester soi-même, éviter l’alignement et l’autocensure.
13
Service public :
On peut dire que le théâtre est inutile, acte gratuit etc. Mais c’est faux le théâtre est aussi utile que les arbres, le théâtre c’est la chlorophylle de l’esprit, une nourriture spirituelle essentielle à l’homme, qui lui permet de mieux comprendre le monde dans lequel il vit. D’où la nécessité pour les pouvoirs publics de le rendre accessible à tous. Non, Jean Vilar ne doit pas être rangé dans les catacombes.
14
La rémanence
Ce qui m’intéresse ce n’est pas le côté « j’ai aimé, ou pas aimé » c’est que l’œuvre jouée retentisse le plus longtemps possible dans l’esprit de celui qui y a assisté, ce que j’appelle la rémanence de l’œuvre. Certaines pièces, toutes plaisantes qu’elles soient et bien jouées ne laissent aucune trace en vous, d’autres vont au contraire vous accompagner toute votre vie.
Quatorze maladies du théâtre public en France
et quatorze remèdes esquissés.
août 03
I- Le régime des intermittents
Tout a été dit sur ce protocole-piège. Il bafoue des milliers d’artistes. Aucune économie ne sera réalisée. Il est inapplicable. Il attaque toute une profession. Il fait l’unanimité contre lui. On a tous compris que ce n’était qu’un protocole boiteux destiné à prouver dès la prochaine évaluation que les articles 8 et 10 devront être supprimés. Intermittent, ce n’est pas une profession, ce n’est pas un métier. Nous n’avons jamais demandé d’être des chômeurs de luxe, nous sommes des travailleurs de l’art.Si les artistes et techniciens étaient tout simplement payés à leur juste prix, ils n’auraient besoin d’aucune aide interprofessionnelle.
II-Les valeurs fondamentales
Il est curieux de constater qu’il y a trois ans à peine un des gros chantiers du Ministère ait été l’écriture d’une charte, bien sûr imparfaite, mais un bon point de départ de toute réflexion. Puis la charte a été écartée comme un texte un peu honteux,, cette charte évoquait notamment le rôle des amateurs ce qui a déplu à la noblesse de la profession. La Ministre responsable a été renvoyée, on le sait, dans sa ville de Strasbourg. Depuis cette époque, on a l’impression d’un Etat qui a vendu au diable tout ce qui faisait la valeur la culture en France,.des contrats d’objectif ont été laborieusement mis en place.Qu’en est- il des évaluations ? Il faut réaffirmer les principes fondamentaux et les valeurs du théâtre public.
Oui , les théâtres doivent s’intégrer dans le tissu social, s’ouvrir à toutes les catégories de population, ce qui ne signifie pas se mettre au niveau des désirs du public. Ce travail, de remise à flot des valeurs est essentiel.
III- Les critères
On connaît le petit aréopage qui les définit. On a coutume de juger l’œuvre et uniquement elle, en dehors de tout contexte social. Cela entraîne peu à peu la valorisation d’un répertoire décharné duquel toute allusion à la vie réelle est de plus en plus absente.On a mis le texte et les auteurs vivants en avant, l’excellence, la rigueur, l’exigence, mais au nom de ces critères on s’est mis à rejeter de multiples pans d’art vivant , neuf, innovant, hors normes.Toutes ces expériences n’ont eu droit qu’à un profond mépris de la part des experts et d’un certain nombre de personnes détentrice d’une soi disant vérité.Il faut élargir les critères, les ouvrir à la fantaisie, à l’innovation ,à l’invention,à l’humour à la générosité sociale, au théâtre périphérique d’objets, d’images ,de gestes, d’improvisation, de rue, aux théâtre des exclus, des zones défavorisées.
Parler de trajet, de parcours et d'exigence.
IV- La circulation des œuvres
Pour des raisons d’abonnement et de ne pas effrayer le public, toute œuvre qui n’est pas aux normes consensuelles est largement rejetée.
Toute oeuvre pouvant troubler une partie du public par son sujet ou sa forme, toute oeuvre qui ne se joue pas dans le strict cadre de scène connaît des problèmes de diffusion, et sera pénalisée. La diffusion est devenue une catastrophe inacceptable.
De nombreuses jeunes compagnies trouvent difficilement cinq points de chute pour leur spectacle. Les envois de dossiers ne servent plus à rien, les coups de téléphone aux directeurs des théâtres ou des festivals restent sans réponse. La pire des impolitesses et le manque de respect sont monnaie courante dans ce secteur.
L’absurdité en est kafkaïenne. Comment voir quelqu’un qui ne joue pas ?. Comment jouer puisque aucun professionnel ne vient nous voir ? Alors ce sont les festivals Off la formule en vogue, chacun dépense des sommes astronomiques souvent pour ne pas être vus.
N’oublions jamais que dans les années 70, c’est au sein des MJC que naissaient les troupes de théâtre. La MJC permettait les essais, les échecs, mais au moins on y jouait, c’était un circuit où chaque jeune artiste pouvait faire ses premiers essais,et ses preuves . Aujourd’hui le critère d’excellence ferme ses portes à toute nouvelle tentative.Réussir à jouer aujourd’hui, c’est une course d’obstacles qui consiste, à passer 14 barrages.
V- Les lieux
Les lieux théâtraux sont inadaptés. Ils ne sont pas « habités ». Ils ne correspondent plus aux besoins.
Le réseau mérite bien plus que des travaux. C’est d’une refonte totale dont il faut parler.
L’État verse des centaines de millions d’euros pour une gabegie si gigantesque que la cour des comptes y passerait toute l’année, elle n’aurait toujours pas terminé son rapport.L’institution est obèse, et ses rendements sont piètres. L’Etat a beau réinjecter chaque année des millions, l’effet est inverse.
Or la relève est prête. De nouveaux lieux sont en gestation. Les réflexions sont avancées. Ce sont toutes ces nouvelles friches qui nous font entrevoir qu’une autre organisation est possible, ce sont les lieux de fabrique du théâtre de rue, c’est le projet des maisons départementales de théâtre de Dominique Houdart. C’est le style Lieu unique de Nantes.
On peut réinjecter une nouvelle vie dans les lieux existants. Casser les compartimentages néfastes. Chaque lieu doit être le siège d’une dizaine de compagnies, qui trouvent leur infrastructure administrative et une mise en commun globale des infrastructures.
On remet de l’humain au centre de toutes les transactions,La sortie au théâtre change, on ne va plus au théâtre comme avant, il y a des rencontres, des librairies, des personnalités invitées à débattre.
Ces 400 nouveaux lieux seraient capables d’accueillir en leur sein près de 2000 compagnies qui échapperaient à leur première précarité, l’absence de lieux. Une vraie effervescence de l’art. en serait la première conséquence.
N’oublions pas que tout ce qui se crée en matière de culture doit partir de la base, pas des officines ministérielles, dont le rôle est de percevoir les nouvelles tendances et leur apporter le soutien nécessaire...
VI - La composition du public
Le public est recruté dans la partie la plus diplômée de la société. Même si en nombre, le spectacle vivant attire plus de monde que le football, abonnements et public monocorde entraînent un dessèchement de la représentation.
L’utopie du théâtre populaire disent certains est un grave échec, certes la classe ouvrière est restée minoritaire au théâtre, mais les premiers CDN ont permis aux classes moyennes de fréquenter l’Art, ce qui n’était pas le cas à une époque où le théâtre n’était que divertissement commercial. Mais aujourd’hui les jeunes accèdent à la culture par le baladeur, la télévision, le magnétoscope, les DVD, les CD. C’est une révolution sans précédent des pratiques culturelles dont il faut tenir compte.
Là encore il faudrait, pointer les expériences minoritaires qui touchent les gens et les jeunes Il faut cesser de rejeter les musiques dites actuelles, et remettre à l’ordre du jour une action culturelle ré- imaginée.
VII- La relation au public
De plus en plus, c’est devenu une simple relation de consommation. Le théâtre n’échappe pas aux critères audimatiques de la télévision...
On ne va voir que ce qui est connu, on sait par avance que c’est bien. L’innovation est nulle. Or le public a soif d’une relation nouvelle, le public a soif de rencontres, soif d’autre chose. Des associations de spect-acteurs ont fait leur réapparition en Avignon. Non l’histoire du théâtre ne se fait pas aux guichets de la FNAC. Les plaquettes des saisons sont des accumulations de noms inconnus mais reconnus par les spécialistes. La curiosité s’émousse, Le théâtre ne s vend pas sur catalogue.
Les jeunes acteurs viennent de prouver dans les « préoccupations » de Chalon le rôle central des gens et comment se noue une relation de complicité.
Les programmations négociées plus d’un an à l’avance ne permettent pas le moindre jeu avec l’actualité sociale, donc aucun dialogue avec la France qui bouge.
VIII- Le système castique
Par un système de labellisation effréné, on s’est mis à distinguer certains lieux et pas d’autres Une véritable hiérarchie pyramidale s’est mis en place avec au sommet nos cinq théâtres nationaux, puis nos centres dramatiques, nos scènes nationales etc. et tout en bas, le théâtre de rue et encore plus bas, les pauvres intermittents, piétaille de l’art. La sclérose s’est installée. Chacun court après la hiérarchie.
Les critères ministériels, aidant, une aristocratie du théâtre de textes, théâtre d’auteur prétend être au sommet de la hiérarchie rejetant le théâtre de rue, dit animatoire au bas de la pyramide.
La France de la culture est divisée en baronnies, en comtés entraînant de multiples dérives, du clientélisme, des salaires excessifs, de l’arrogance.
IL faut que chacun retrouve sa place dans un système remis à plat., où chaque artiste ou petit établissement participant à la vie de l’art soit respecté et revalorisé.
Les bastilles imprenables doivent s’écrouler...
IX- La décentralisation
La disparition de l’État risque d’être dangereuse à court terme et entraîner la liquidation de tous les artistes un peu originaux, étonnants et provocateurs. L’Art en région, s’il commence à n’être considéré que comme un poste primordial des offices de tourisme et des agences immobilières ne va pas faire long feu. Méfions nous de ceux qui ne veulent des artistes que pour valoriser leur « quin zaine commerciales ».
La république doit bien appliquer ses principes d’égalité. L’Etat doit rester présent au sein des structures régionales pour éviter les dérives d’un art municipal, ou régional sans ambition, aux ordres, aligné. .
X- La formation
Le style des écoles augure de ce que sera le théâtre de demain.
Les écoles ne transmettant plus ni éthique ni morale. C’est le comédien de marché que l’on lance.
Or le comédien de demain devrait avoir une solide formation citoyenne, échapper au nombrilisme, aux tentations du vedettariat et affûter ses objectifs d’artiste public.
« Dès qu’un jeune homme ou une jeune femme aura été exposé au virus de l’absolu, dès qu’il aura vu, entendu, flairé la fièvre chez ceux qui traquent la vérité désintéressée, il subsistera quelque chose de cette incandescence résiduelle. Pour le restant de leur carrière tout à fait ordinaire peut-être, et bien que sans éclat, ces hommes et ces femmes seront munis de quelque garantie contre la vacuité ». (Georges Steiner cité dans le journal de Lubat )
L’intermittence a engendré le comédien aux 507 heures, et qui ne pense plus qu’à ça, mais dont la précarité est telle qu’elle prend le pas sur l’artistique.
XI- Le tout création
La Création fait l’objet de soins particuliers. Le vocable « Création » est devenue un sésame.
Les Dracs, les théâtres réclament des « Créations ». Et peu à peu le réseau a été saturé de créations.
Aucun recensement des créations n’a jamais été effectué. Certains parlent de 4000 créations par an. Cette politique est néfaste, le marché, puisqu’il y en a un malgré tout , est obstrué.
L’institution regorge de pièces au décor assez onéreux, pièces qui ne dépassent que très rarement la trentaine de représentations. Aider la création certes, mais ne pas en multiplier le nombre.
XII-L’art de diffuser l’Art
Belle expression de Bernard Lubat. Comment retrouver l’impact de l’art, les regards chavirés, le vrai miracle du contact artistique.
Certainement pas dans les routines de 60 ans , dans des lieux usés jusqu’à la corde, dans des rituels vides.
Tout est à réinventer,mais il faut que puissent être soutenus réellement toutes les propositions nouvelles, elles sont nombreuses en France, quoique tout ait été fait ces dernières années pour les étouffer dans l’œuf..
L’art doit aller partout, et doit déborder hors théâtre. Tous les angles d’attaque doivent bouger.
Tous les chemins de traverse, tous les petits sentiers, toutes les nouvelles pistes sont à prendre.
Des aides à la diffusion sont plus qu’importantes.
XIII- Les nominations
Il va falloir retrouver de l’audace. On a trop nommé de directeurs insipides et lisses n’ayant pas de parti pris fort , ce qui plait bien aux édiles locaux qui veulent des directeurs à la servilité manipulable à souhait.
Les programmateurs, les gestionnaires et les géomètres ne doivent pas être à la tête des établissements.
On a besoin de rugosité. On doit nommer des artistes au sens large du terme, des gens qui savent se positionner, et non pas les équilibreurs éclectiques actuels. (peu de théâtre, un peu de variété, pas trop de danse, un chanteur tête d’affiche pour appâter).
Il existe des personnes qui sans être artiste savent donner un style, une vie, un axe fort, une direction.
Il faut mettre à l’ordre du jour des directions collégiales.
Il faut avoir le courage d’arrêter certaines aventures lors du départ de leur créateurA force de tout conserver, il y a saturation et manque de place pour les expériences nouvelles..
XIV-Les disparités de moyens
Il ne s’agit pas de plaider pour l’égalité totale. Mais le fossé entre l’institution et les compagnies est trop profond. Cela engendre haine et incompréhension.
Pourquoi tant de moyens d’un côté si peu de l’autre. Mais ne déshabillons pas Pierre etc
Dans les lieux bien dotés il faut remettre de l’éthique et du partage et rehausser les moyens des plus démunis.
A l'attention de la fédération des Arts de la Rue
On parle d'une année des arts de la rue. je fais mes remarques.
1- le hochet
L’année des arts de la rue, est un hochet gouvernemental pour calmer les excités, mais tant qu’à réfléchir, allons y.
2- On met de côté le passé
Là on commence à être en overdose, de souvenirs, de nostalgie, des anciens, des fondateurs, faut regarder vers l’avant.
3- les festivals mastodontes
On considère que c’était le premier étage de la fusée qui a mis le théâtre de rue sur orbite, ils peuvent continuer, mais il faut arrêter de ne parler du théâtre de rue comme si c’était cinq gros porte- avions, il y a aussi quantité de petites embarcations qui sont la force et la vitalité du théâtre de rue.
4- Les successions
Il faut refuser le systèmes des nominations, cela va nous tuer. Non personne ne pouvait succéder à Vilar . les CDN sont devenus transparents de succession en succession. Les projets ne sont pas éternels. Personne ne doit succéder à Pierre et Quentin. Chacun dépose le titre de son projet personnel et s’en va avec. Il n’y a pas eu d’appel d’offres pour succéder à André Breton à la tête du surréalisme.
5- On en marre des intermittents
C’est incroyable que le terme intermittent ait réussi à remplacer celui d’artiste. Un artiste ne peut pas être un intermittent. Actuellement nous ne sommes plus définis que par nos indemnisations –chômage, c’est une catastrophe. Les gens pensent que l’on est artiste 507 H par an, le reste du temps ils croient que l’on gère notre statut. Il faut remettre en circulation le mot « artiste» et obturer notre catégorie qui est un arrangement convenable mais pas notre fierté.
6- Le vocable résidence
Ça va avec intermittence. L’intermittent qui ne travaille que quelques jours par an, s’en va en résidence. Résidence, on se croirait à Nice dans une maison de personnes âgées. Tout le monde ne parle que de résidence. C’est passif, c’est vieux, c’est un terme sans doute inventé par le ministère à l’époque où les théâtres étaient rarement prêtés aux artistes. Les artistes n’attendent pas d’être en résidence pour chercher, c’est sans arrêt qu’ils ouvrent des nouveaux chemins, ils n’attendent pas de faire une résidence.
7- Les catalogues
On imite les scènes nationales à vouloir mettre un maximum d’offres dans un dépliant. On se croit de plus en plus dans les catalogues gratuits de super marché et de farfouilles. Messieurs dames, prenez connaissance de mes produits, pas d’axe , pas de fil rouge. Des listes de compagnies, et plus on en a plus on en est fier. Non, le théâtre de rue n’est pas une liste de produits artistiques à consommer.
8- L’ombre
Il se passe des choses magnifiques un peu partout, non médiatisées, inventives, poétiques, en relation intime avec le public. Il faudrait trouver le moyen le moyen d’en parler sans les déflorer, car elles sont souvent intimes et secrètes. Il ne faut pas les piédestaliser, simplement montrer que cela a existé. Le petit carnet de Carabosse en est l’exemple typique, ce carnet du désert. Chacun d’entre nous qui vit une expérience exceptionnelle devrait pouvoir le raconter à sa manière. Là on verrait que le théâtre de rue ,s’il a pris de la bedaine par endroits, développe encore une créativité extraordinaire.
9- Naviguer hors des balises
Il faut prendre des chemins inconnus, escarpés, se perdre, éviter tous les clonages, les imitations, les conformismes. Il faut se lancer dans le risque, dans l’illicite. Il faut cesser d’être trop lisse. Il faut avoir peur, arrêter de faire du cabotage et produire des objets artistiques formatés pour festivals. Les experts et la presse n’auront même pas les outils pour évaluer nos productions. Bien sûr, on vendra moins, mais être artiste c’est ça. Publier des listes interminables de dates en montrant que « ça marche » c’est une dérive libérale.
10- La marge
Le théâtre de rue réclame sans arrêt de jouer au sein de l’institution, et d’être reconnu. C’est une faiblesse. Nous sommes en marge et devrions en être fiers. Nous sommes obnubilés par les titres ronflants, nous voudrions que tous les lieux immobiles, arthrosés, nécrosés s’intéressent à nous. Non cela ne doit pas être un de nos objectifs. Il ne faut jamais oublier que ce sont les marges qui tiennent la page.
11- Mettre le public au centre de nos préoccupations
C’est Saunier Borrell qui met la relation au public en avant. Le « festivalier » nous a fait du mal, c’est sympa, ça fait succès, mais cela nous enlise, et imperceptiblement le festivalier a des réactions d’abonné. « Moins de public, plus de gens » voilà un bon mot d’ordre et une des réussites des « pronomades ».
12- Les relations aux mairies, aux préfectures.
Il y a antinomie entre artistes et administration. Nous créons du désordre, de l’inquiétude, nous semons des explosifs un peu partout, nous déstabilisons, or les mairies garantissent l’ordre. On nous réclame des fêtes calées, sécurisées, aseptisées. La sécurité prend le pas sur le reste un peu partout. Il nous faut défendre la notion d’émeute artistique, de la nécessité sociale de déséquilibre, et affirmer sans cesse que la tranquillité du citoyen n’est pas une panacée. Allez voir les chariots de feu à Liestal en Suisse. Impensable en France, où l’on nous mettrait deux rangées de barrière Vauban. Il faut se battre contre le principe de précaution.
13 – La débilisation de la société
C’est le nouveau chantier de l’Etat. Supprimer tout contre pouvoir à la fascination absolue exercée par la télévision et la Disneylandisation Tous les budgets vont être rognés. L’année 2004 va être catastrophique. L’artiste a mauvaise presse, le président n’en a que faire, le premier ministre non plus, et le ministre ne fait pas le poids. Ils ont juste peur des vagues, et vont tenter d’éteindre les incendies qui vont se déclarer ici ou là. Donc nous devons tous rentrer en résistance.
14 – Place à la platitude
Non aux personnalités fortes, ou originales, halte à la fantaisie. En France on est train de mettre en place un peu partout une escouade de fonctionnaires dont la platitude, la soumission et la transparence sont les principaux critères de sélection. J’appelle ça la dictature de la liberté et des loisirs. Des heures sombres nous attendent.
DES RUCHES DE KINSHASA JUSQU'A LIMOGES
20 octobre 2003
Tout ce qui suit ne sont que des notes éparses, isolées, impressionnistes,
Je les écris suite au passage du théâtre de l’Unité à Limoges, aux francophonies, sous forme d’une brigade d’intervention théâtrale internationale, avec 5 congolais –Kinshasa, 1 Kurde, 1 polonais, 1 catalan, 1 juif russe, et six français.
1
On ne sait plus comment appeler les habitants de la république démocratique du Congo c’est fou ça. Personne ne sait ce qu’est la RDC et si on dit Congolais, cela veut dire de Brazza. Zaïre, c’était pratique.
D’ailleurs, Mobutu plane encore dans les esprits.
2
Nos relations avec le continent africain sont empreintes de culpabilité, et de mauvaise conscience. Quand vous rencontrez un Européen, il est toujours bouleversé et fasciné par son voyage en Afrique. Il vous parle d’électro-choc et veut y retourner.
Le fait est qu’il y a une quantité d’artistes français amoureux de Kinshasa. En France, nous vivons un mépris quasi quotidien, mais dès que nous arrivons à Kinshasa, nous devenons des artistes respectés, désirés, sinon vénérés. Qui peut résister à un tel traitement ? Certains disent que c’est une survivance de la colonisation, la piedestalisation du blanc.
3
J’entends toujours parler de toutes ces compagnies françaises qui racontent leur tournée des CCF. Un jour, un pays ! Trois semaines, 18 pays. Sur une carte de visite, cela fait bien, mais moi, comme on ne me l’a jamais demandé, je ne peux pas m’en vanter.
J’entends Debauche nous expliquer le fantasme de Limoges, arrêter la relation Nord- Sud, mais tenter de parler de Sud- Nord. Il y a vingt ans, les poètes et hommes de théâtre parlant et écrivant français, n’avaient pas le droit d’entrer dans nos théâtres et nos festivals. On a peine à y croire.
4
Ces metteurs en scène qui vont utiliser la matière première noire, en faisant miroiter aux acteurs une tournée en Europe engendrent en moi un malaise, il y a quelque chose de trouble et de suspect. L’écurie Maloba nous demande une mise en scène, d’un de leurs textes, avec leurs acteurs. Ça va pas la tête ? Le piège est énorme. Jamais de la vie. N’insiste pas Tschi Tschi. Pourquoi nous demander ce que vous savez bien faire, c’est le syndrome de l’assistance.
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La halle de la Gombé à Kinshasa me plaît. Lieu ouvert. Lieu de vie, de croisement de rencontres, de répétition, laboratoire de lutte contre les idées toutes faites, lieu de rendez vous. Et surtout une réelle atmosphère de liberté.
C’est l’oeuvre de Jean Digne et d’un ambassadeur, Gildas le Lidec, fou furieux, qui disait « 1 gramme de culture équivaut largement à 1000 g d’ ONG ».
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Jean Digne nous tanne pour ce qu’il appelle des ruches à l’export. En 2000, on cède, mais moi, je répète à l’encan, je n’ai rien à donner, nous sommes d’un vieux pays où la culture vivante est tarie depuis longtemps. Et je suis dans le piège. Quelle fascinante expérience cela fût. Mais Champault le directeur. ne fait pas dans l’auto- satisfaction... Il dit : si on en reste là, c’est de l’ordre de l’échec. II ne sera pas déçu, 2003, les ruches continuent d’engendrer des choses et d’autres.
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Les francophonies de Limoges sont rituelles. Le plus court chemin de Kinshasa à Brazzaville, deux capitales distantes de 2 Km passe par Limoges a t-on coutume de dire. Rendez-vous incontournable. Limoges, c’est le « Cannes », l’Hollywood mondial du théâtre francophone. Mais à Limoges, vingt ans après, les rues ne comprennent toujours pas ce qui se cache là- dessous. Proposition nous est faite par Le Mauff ( successeur de Monique Blin) de faire quelque chose à Limoges.
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Juin 2003. L’avion est direct. Maintenant. On n’aura pas le folklore de la Camair, les correspondances forcées à Yaoundé. N’Djili, J’avais oublié les camions pleins à raz bord. Quinze acteurs sont intéressés par le stage. Je dois sélectionner une fille et quatre garçons. Je n’ai pas de critères précis. Peut- être la fiabilité. J’ai peur des flatteries et des fausses vénérations. J’explique que je suis le flou des flous, qu’ils ne peuvent attendre de moi que déstabilisations successives et doutes. C’est bon, l’écrémage se fait naturellement. Le dernier jour, je donne la liste des élus. C’est sans douleur. Ces acteurs n’ont pas ce caractère accrocheur et carriériste que j’exècre au plus haut point.
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Septembre 2003. Limoges. L’intégration à grande vitesse. Ils font partie de la Brigade Unité et ont l’intelligence de ne pas faire de sous- section congolaise. En deux heures de temps le groupe est formé, compact, solidaire, on ne s’appelle pas l’Unité pour rien. Chacun doit à tour de rôle raconter son problème du petit matin. Les visions différentes de la réalité s’enchevêtrent et apportent une belle richesse. La devise de la Brigade c’est "rater mieux ". On se jette à l’eau. Clément entonne son « combo na biso Etomi elo oyo » Pendant dix jours, on sort cette forme dite « francophonerie » absolument singulière, un mélange de confessions, de lapidaires, de philosophie de bistrot, d’impressions, mais surtout un monument de sincérité. Je dis aux spécialistes de théâtre. Comment pouvez vous juger ça ? Il vous faudrait de nouveaux outils. Décidément l’Unité c’est toujours autre chose…
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Un énorme sort est fait aux bonjours. Nos Congolais trop contents d’être dans ce qui tient pour eux de Mecque du théâtre, saluent à tour de bras, et devant les réponses mitigées et gênées, se plaignent de notre communication à l’occidentale. On se livre difficilement chez nous . Ils sont dans le manque aussi au niveau du « foufou », cette boule de manioc dont ils raffolent aux repas. Ils ont du mal avec nos bourguignons, nos blanquettes, nos gratins etc.
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Les chambres d’amour. Chacun fabrique le décor de sa chambre à l’hôtel Mercure pour des passes poétiques. Le spectacle commence. Chacun emmène un client ou une cliente dans sa chambre pour cinq minutes de poèmes amoureux. Mais Toto manque à l’appel. Il s’était endormi. Clément ne redescend plus ; au bout de 40 minutes, on va toquer à sa chambre, il converse avec une jeune fille qui voulait des éclaircissements sur la guerre dans son pays. On fait un débriefing sérieux pour resserrer les boulons. Malgré cela il y aura encore de légers dérapages, mais tout finit par rentrer dans l’ordre.
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Une spectatrice du nom de Danièle nous écrit, et cela nous fait plaisir : « Inventifs, décalés, insolents, vous nous avez prouvé qu’on a toujours raison de se révolter contre les briseurs de rêve. En espérant se recroiser peut être un jour sur le chemin de la lutte. Continuez la vôtre pour un théâtre sans compromis qui bouscule toutes les idées reçues sur l’art ».
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Les Québécois du « la trilogie du dragon » débarquent à l’hôtel. Ils ont tous les stigmates de la grande tournée internationale. On essaye de leur parler, je demande si Lepage, le metteur en scène va venir. On ne les intéresse pas, nous ne sommes pas du même monde, nous jouons dans la rue, sur les marchés, nous touchons à peine le public de théâtre. Ils ne veulent pas être au même étage que nous. Étrange, ce fossé qui nous sépare. Trop de succès abîme, heureusement nous ne risquons rien à ce niveau-là.
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Alors ? On ne peut pas en rester là. Il faut continuer, cela nous a ouvert l’appétit . En fait, nous ne maîtrisons pas l’image que nous secrétons, mais c’est peut –être la France d’aujourd’hui que nous représentons, une France de toutes les colères, de toutes les couleurs, et de toutes les religions. Bien sûr Brook l’a fait avant nous.Alors oui, nous voulons bien retourner à Kinshasa, mais pas pour diriger une pièce écrite sur un plateau avec un public assis devant. Nous avons envie de revenir avec une poignée de comédiens de chez nous, se mélanger avec des acteurs congolais pour former une troupe unique, qui parcourrait les lieux excentrés de Kinshasa, en fabriquant une nouvelle pièce par jour, qui parlerait de nous, du monde d’aujourd’hui, de la réalité comme nous la percevons.
C’est le projet. Un projet, cela veut dire budget, un budget, cela veut dire partenaires, et partenaires signifie longue course d’obstacle.
AVIGNON 2003. JOUER OU NE PAS JOUER
A six jours du début du festival d'Avignon, le 30 juin 2003, je m'interroge
14 raisons de jouer
1- C’est un besoin impérieux, ce n’est pas un travail, mais une passion
2- La pièce que je joue évoque le thème, vivre courbé ? vivre à genoux ? ou vivre debout ? C’est un peu le sujet du débat.
3- Le poète n’a pas le droit de grève. Est ce que les plantes se suicident ?
4- En ne jouant pas je me punis moi-même et je suicide mon existence.
5- Il y a Muguette qui vient le premier jour, elle vient pour nous, quelle déception cela serait pour elle !
6- Souvent la pièce raconte plus de choses qu’une poignée de comédiens expliquant leurs 507 H.
7- Cela ne sert à rien de ne pas jouer, ce gouvernement est en désamour avec ses artistes, il souhaite ardemment notre disparition. Nous ferions son jeu.
8- Jesse Owens a couru à Berlin en 1936, c’est Hitler qui a dû sortir pour ne pas lui remettre sa médaille d’or. Nous sommes à Raffarin ce que Jesse Owens était à Hitler.
9- Tu es plus militant en jouant qu’en te taisant.
10- Le Medef me rappelle mon père. A qui cela sert un métier qui ne rapporte pas ? disait il. Nous sommes une injure à la logique de marché ,nous devrions mourir et disparaître. Jouer c’est affirmer sa vitalité.
11- Economiquement si nous ne jouons pas, nous tuons le théâtre de l’Unité. Tous les frais sont déjà payés, jouer c’est se donner une chance de rejouer ailleurs.
12- Pour moi Terezin, c’est vraiment une pièce- cri, un éloge de la vie, et j’admire ces gens qui dans le camp ont continué de jouer comme un défi aux nazis. Je jouerai dans la tourmente.
13- Humainement, être descendu en Avignon avec décor et bagages et ne pas affronter le public, c’est un coup à se déclencher un cancer, j’ai déjà mal à mon corps à cette idée.
14- J’ai décidé de ne rien décider, c’est la décision qui va me prendre.
14 raisons de ne pas jouer
1- Je ne veux pas faire partie des jaunes
2- Pendant l’occupation, les théâtres n’ont pas trop résisté, il n’y a pas de quoi être fiers.
3- C’est le moment où jamais de prouver que j’aurais été un résistant.
4- En étant IN et OFF réunis à ne pas jouer, nous fabriquerions l’événement du siècle. Avignon, ville morte… ce serait un spectacle en soi.
5- Nous montrons qu ’avec notre précarité, nous sommes capables de jeter par terre non seulement la Ville d’Avignon, mais tout le Comtat Venaissin..
6- Tous les progrès de l’humanité ont toujours été arrachés par la violence, ce n’est pas en courbant l’échine que l’on avance.
7- Nous devons montrer l’exemple aux jeunes d’une résistance sans précédent à un gouvernement qui se prend pour le Front National.
8- Ne pas jouer, c’est se tuer, donc je serai enfin un héros de la résistance théâtrale des années 2003. Mort sur le Front , contre le Front.
9- Aujourd’hui, faire de l’art , c’est faire de l’image pour les médias, seule une mauvaise image pourra écorner le gouvernement. Là il va en prendre un sacré coup.
10- C’est beau de voir enfin le peuple des artistes bien droit, bien en colère. Nous sortons d’une léthargie de plus de 20 ans.
11- Ne pas jouer, c’est jouer. Le spectacle sera permanent. Le 14 juillet , nous attaquerons le palais des papes, pour en faire le lieu d’un forum permanent.
12- Il faut savoir faire reposer la machine. Arrêter Avignon, c’est faire une pause pour réfléchir.
13- La grève des acteurs de Prague avait provoqué la révolution de velours.
14- Etre artiste c’est faire des choses inattendues et pas évidentes.
14 réflexions après Avignon et Chalon 2003
1- L'ennemi Certains pensent que c'est la CFDT, d'autres les compagnies non grévistes, ou ceux qui ont plus de moyens qu'eux. Beaucoup pensent qu'il faut frapper le Medef. Pourtant notre unique et seul adversaire c'est simplement Chirac, Raffarin, Sarkozy. (CRS pour faire rapide). 2- Le protocole. Mille fois démonté, on sait maintenant que rien n'est sérieux là-dedans.D'ailleurs, personne n'a jamais fait le calcul des économies réalisées. Leplan est plus habile et à long terme. Ce protocole est fabriqué pour que le déficit augmente encore un peu plus. Une info glanée dans des salons chics auprès d'un membre du Medef m'a appris que la prochaine révision de l'accord sera impitoyable. Nous serions tous radiés d'ici trois ans. D'où cet accord volontairement pourri, dernière étape avant la mise à mort. 3- L'adversaire Notre adversaire est bien jeune, avide de victoire. C'est un mur de granit. Il aime l'affrontement. Il sait bien que les socialistes avaient coutume de désamorcer les crises sans régler les problèmes. Il a son style qui lui réussit bien. On ne parle plus de Sangatte, on ne parle plus ou si peu de l'insécurité, les retraites c'est réglé etc. Il pense que le mouvement des intermittents est un feu de carton. Nous devons l'étonner. 4- Les médias Ils n'ont jamais été aussi fades. Les journalistes pourraient avoir honte de leur soumission totale au pouvoir. Le JT est du style journal gratuit du métro. Le courrier de Saône et Loire de Chalon ne couvrait absolument pas l'occupation artistique. Le Provençal à Avignon ressemblait à un journal de la collaboration, faisant comme si c'était la meilleure année du Off. L'Humanité fait un gros travail mais ne se trouve nulle part. Avec de bonnes ruses comme l'occupation artistique, on a pu tout de même arracher quelques pages au Monde ou à Libé. France Info ne rend compte que d'un dixième des actions. Obtenir les médias est l'unique moyen pour nous, de montrer que nous restons vivants. (En 1968, les radios périphériques couvraient si bien les émeutes a retiré le droit au direct). 5- L'institution Elle a été très silencieuse,
mais là, elle commence à prendre parti ; il y a des chances que les théâtres rejoignent le mouvement et n'ouvrent pas à la rentrée. Ce serait trop beau pour y croire. 6- les amalgames Il faut s'en méfier et garder notre indépendance. Même si nous avons des sympathies pour Attac, les alter mondialistes, José Bové, il faut rester nous-mêmes. Ce serait trop facile pour l'adversaire de nous étiqueter. Il y a parmi les intermittents une grande diversité d'opinions, tout le monde doit s'y retrouver, ce qui n'empêche pas les soutiens et les alliances. 7- Le public Il a été le grand oublié de tout ce mouvement. Or sans lui nous n'existerions pas. Il faut se battre contre notre tendance à macérer dans des AG d'une consanguinité totale. Il faut tout axer sur la complicité affective avec le public et surtout avec les gens qui ne fréquentent pas l'Art. A Avignon, le public s'est constitué en association de spect-acteurs. L'occupation de Chalon a été exemplaire sur le plan public, avec l'excellente idée du parrainage, (j'y croyais pas ), les fêtes dans les quartiers et l'accueil chez l'habitant.(j'y croyais pas). 8- Les armes de l'art Il faut attaquer l'adversaire sur un terrain qu'il ne maîtrise pas. Il faut absolument éviter de parler comme lui avec des communiqués en langue de bois. Nous sommes des poètes, nous savons fabriquer des images, des décalages. (Excellente la manif de droite de Chalon). Nous avons de l'humour, de la fantaisie et nous savons nous promener sur les frontières de l'illicite. Contre les armes de l'art, ils sont déstabilisés, leur police est perdue, ils ne savent pas faire. L'adversaire est de pierre, mais le papier obture la pierre. Le seul moyen d'obtenir les télés et la presse, c'est notre imaginaire vertigineux quand nous additionnons nos idées. 9-Aurillac On ne peut pas faire Aurillac comme si de rien n'était. La dérive marchande n'est plus d'actualité. Mais entre l'annulation et jouer normalement, il faut absolument inventer une troisième voie. Il y a moyen de renverser Aurillac sans tout casser. Pour cela il faudraitavoir la complicité de Songy et ne pas s'en faire un ennemi. L'expérience de Chalon doit nous nourrir. Il faut préparer Aurillac en amont, avec Jean Marie Songy et son équipe. Je vais lui écrire, faîtes en autant. 10- Le malaise Il dépasse de loin le protocole. Le pire des drames qui puisse nous arriver, c'est qu'ils le retirent, parce que ce protocole damné cristallise nos rancoeurs, notre mal-être, notre étouffement et que c'est le moment où jamais de faire s'écrouler le régime de castes du théâtre français. Nous étions depuis longtemps en dissidence. Maintenant, nous la crions notre dissidence. 11- Nos rêves Il faut se tenir prêt. Le Ministère de la culture est en train de mettre en route un grand chantier de transformation des arts en France. Si la réflexion ne se fait qu'entre notables de la culture, nous serions une fois de plus les oubliés du système. Nous devons être présents et prêts, c'est à dire à réussir à formuler ce qui nous pèse. Ce n'est pas si facile lorsqu'on est malade de savoir ce qu'on a. Auscultons nous les uns les autres. 12- A R gen T Il ne faut surtout pas tout ramener aux problèmes financiers. Le Syndéac s'en chargera. De l'argent, la culture en France en est bourrée. Mais on a beau en injecter, c'est à l'envers que cela marche, plus les lieux sont dotés et gras, plus leur métabolisme laisse à désirer. Nos problèmes sont beaucoup plus graves que le manque d'argent. Mais bien sûr, faudra partagera autrement. 13- La leçon des collectifs d'action > Il faut accepter toutes les idées, ne jamais les critiquer sauf si on a de quoi augmenter et améliorer l'idée, sinon le travail en groupe devient impossible. Toutes les propositions d'actions ne sont valables que si elles sont faisables. Il faut que le "proposeur" d'une action soit capable de la mener à bien, et quand le groupe ne réagit pas, il ne faut pas qu'humilié il essaye de faire de nouveau passer son idée sous une autre forme. "Chalon occupé" nous a appris à tous l'humilité et l'efficacité. Cinq personnes en trois heures de temps montaient des fêtes splendides que d'autres en 7 mois n'auraient même pas réussi à réaliser. Je n'oublierai jamais que les Vietnamiens avec leurs sandales en caoutchouc de pneu, ont mis en déroute l'armée la plus moderne du monde. 14- Pas d'action sans théorie Il faut savoir où l'on va. En fait, nous ne faisons rien d'autre qu'une méga mise en scène. A Chalon (excusez le radotage ), nous disposions de la plus grande compagnie de théâtre du monde. 500 comédiens au début, 250 à la fin. Quand on fait une mise en scène, je ne l'apprendrai à personne, il faut toujours avoir en perspective et en filigrane la fin. C'est quoi le final ? Certainement beaucoup plus que le retrait du protocole. La révolution, répondront certains... Une nouvelle organisation sociale ? Est ce que dans nos pays riches on peut vivre dignement de nos métiers ? Moi personnellement, je n'ai pas la solution de rechange. On peut tout de même demander à Chirac qu'il arrête de se prendre pour Le Pen. En tant que futur ministre de la culture, je vais tenter d'écrire les 14 maladies du théâtre en France, et les 14 remèdes. Si j'y arrive, je me sentirai déjà mieux.
QUATORZE REFLEXIONS APRES UNE DISCUSSION SAINE ET MUSCLEE AVEC DIDIER JULLIARD DU TNS.(Théâtre national de Strasbourg)
Le 7 janvier 2005.
1-Il y a un très grand fossé entre ce que vous pensez faire, et comment bon nombre de gens vous perçoivent. C’est tout de même un problème. Moi, je vous perçois comme très consanguins dans vos choix. Quand je lis votre affiche, ce qui m’apparaît, c’est « toujours les mêmes ». Et vous, vous avez l’impression d’être très ouvert aux nouveaux courants, aux compagnies. C’est un problème cette incompréhension.
2-Ce que je qualifie de goût moyen uniforme, c’est le côté lisse, propre, il n’y a pas de faute de goût, c’est bien élevé, mais chacun selon son style, bien sûr ce n’est pas Chaillot, mais Rodrigo Garcia à Chaillot, c’est tout émoussé, Jérôme Deschamps, c’ est éventé. On dirait que le théâtre -public devient un théâtre où l’on ne peut plus être surpris. C’est ça ma question, comment être surpris ?
3-Je ne suis pas journaliste, pas universitaire, j’écris comme je sens. Alors j’ai droit de votre part à tous les noms : lepeniste, populiste, poujadiste etc... Pour être bien vu il faudrait toujours que je dise des compliments, jamais de critique, et voilà comment on en arrive à la cour et aux courtisans. Mais je n’ai pas de désamour avec le théâtre national de Strasbourg, je voudrais que cela soit mieux.
4- Alors comment moi, critiquant vos établissements, je puisse avoir envie d’y jouer ? Je ne vais pas critiquer le théâtre privé, ou des gens que je n’aime pas. Je parle du théâtre public, parce que c’est mon école et j’y tiens. D’ailleurs je n’attaque pas les personnes, c’est plutôt la glaciation que produit le système sur ses établissements qui m’intéresse et me questionne.
5- Je trouve que le communautarisme et les chapelles du théâtre c’est dangereux, je dis pareil pour les festivals de théâtre de rue. Quand j’ai fait passer le bac théâtre à Strasbourg, tous les élèves ne connaissaient du théâtre que le TNS, et rien d’autre. Et bien moi j’aurai bien voulu que les élèves du théâtre puissent connaître « les chambres d‘amour » ou « Terezin », mais c’est comme ça, à chacun son public, et rien n’est fait pour mélanger.
6-Mais alors toi tu ferais quoi ?
Je ferais venir le théâtre du Soleil. Parce que vous êtes le seul théâtre National de l’Est de la France, je ferai venir 26 0000 couverts, parce qu’à Strasbourg personne ne connaît la fantaisie de cette compagnie de Dijon. Mais je dis ça vite , je ne suis pas un programmateur, c’est juste pour dire, Ok on prend nos habituels, nos amis, ça je le comprends, mais une petite fissure sur le paquet bien ficelé, cela serait bien.
7- Les coproductions : tout le monde ne parle que de ça et de résidences, cela ne m’intéresse guère. Une des médiocrités du théâtre vient de ce système, comprenez bien que jamais cinq directeurs de CDN n’ auraient pu se mettre d’accord sur Artaud vivant, il était trop décapant. Maintenant c’est le must d’aligner des noms. Jamais le théâtre de l’Unité n’a fait de coproduction en dehors des prêts de salle, parce qu’inconsciemment la compagnie coproduite cherche à ne pas décevoir ceux qui lui ont fait confiance. Elle vend sa liberté.
8- L’excellence. On devrait plutôt parler d’exigence. Et moi, je m’intéresse à la rigueur et à la fidélité d’une démarche, et peut -être aussi à l’énergie, j’aime bien ce plasticien Suisse,Thomas Hirschorn , qui dit « énergie, oui, qualité non. »
.
9- Il faudrait parler du public qui est un problème majeur. Moi je me fiche pas mal de la démocratisation voulue par le Ministère, mais l’élargissement du public m’intéresse parce que j’ai remarqué que plus les publics étaient mélangés et correspondaient à la composition de la société, meilleures étaient les représentations. Je ne réclame pas des théâtres remplis de femmes de ménage, je veux aussi les professeurs de faculté, je veux les chercheurs , les ingénieurs, les cheminots, les syndicalistes, je veux les nounous, les infirmières, les chirurgiens, les PDG, le marchand de vin, et les politiques, et aussi les professionnels de la profession. Le public Maif Camif Télérama appauvrit nos représentations. Ce n’est pas le public qui a besoin de nous, c’est nous qui avons besoin d’un public métissé pour que la cérémonie théâtrale soit riche et contradictoire.
10- Un jour dans un débat à la Sorbonne j’étais confronté au directeur de la Michodière qui se disait l’héritier de Molière parce qu’il faisait tout pour plaire au public, il y avait un metteur en scène de recherche, Patrick Hadjej qui disait que lui il n’avait jamais de public, et que ce n’était pas son souci, et moi je disais que j’aimais le public, mais que j’aimais le déstabiliser, « l’intranquilliser » que je ne voulais jamais lui donner ce qu’il souhaitait.
11- Je fais souvent des sorties dézonées, je vois des spectacles de la culture non cultivée et illégitime, pour ne pas trop rester dans notre confortable ghetto. J’ai été au regret de constater que le Puy du Fou valait bien des festivals des arts de la rue, que les acteurs de la cage aux folles n’étaient pas du tout cabotins, que les images du Carnaval de Trinidad étaient immensément fortes et à jamais gravées dans ma mémoire. J’ai vu le show de Johnny Halliday avec les lumières d’André Diot et c’ était quasiment épique. Pourquoi je dis ça ? Pour que nous nous méfions de notre arrogance, et restions modestes, et vigilants par rapport à notre excellence auto-proclamée.
12 – J’ai un rêve de théâtre, j’ai essayé de le réaliser pendant les neuf années du Centre d’Art et de Plaisanterie. J’ai frôlé le lieu de vie et de création continue dont je rêvais, mais le Ministère de la Culture était trop tiède, et le personnel épuisé. Pas d’abonnement, pas de remplissage avec les scolaires, une ville transformée, une culture « dépiédestalisée », un lieu jamais fermé. Mais voilà, l’utopie est comme l’horizon, tu avances de deux pas, il recule de deux pas.
13- Je ne comprends pas bien ce qui m’a attiré quand j’avais seize ans vers le théâtre des Champs Elysées où j’étais parti en Solex. Planchon jouait « Schweyck dans la deuxième guerre mondiale » de Brecht. J’avais découvert un théâtre qui parlait de la réalité, une esthétique qui me paraissait totalement futuriste, j’ai réitéré avec « les 3 mousquetaires, » du même Planchon, cela me mettait dans le même état. Théâtre de critique sociale, théâtre qui décryptait le monde, théâtre politiquement incorrect, je voudrais que nous réussissions tous à faire chavirer les jeunes d’aujourd’hui , comme le théâtre nous a fait chavirer.
14-J’aime profondément le théâtre, je lui ai donné ma vie. Il m’a donné les plus grands chocs . Les chocs c’est quoi ? C’est de la rupture. Je vous demande ce qui casse la monotonie. Je n’ai appris que cette chose de là de Vilar, il savait nous surprendre à chaque fois dans sa programmation d’Avignon ou du TNP. Et moi je dis, surprenez –moi, chers amis du TNS.
14 ARGUMENTS EN GUISE DE REPONSE A L’APPEL D’OFFRES DE LA VILLE DE BESANCON
le 25 janvier 2004
-1-
Notre démarche n’est pas opportuniste, nous ne sommes pas en recherche d’une nomination ou d’un poste, mais faire quelque chose pour cette région nous semble fondamental.
-2-
Nous sommes parmi les seuls à présenter le profil idéal, parce que nous sommes les seuls à réfléchir sur la fête en France depuis plus de vingt ans.
-3 -
Nous avons bâti des fêtes qui sont toutes restées légendaires. Allez interroger la ville Nouvelle de st Quentin en Yvelines sur le carnaval des ténèbres. (1982 à 1985)
Quant à Montbéliard , nous sommes bien placés pour savoir que le réveillon des boulons reste dans toutes les mémoires. (1993-1995-1997-1999)
-4-
Nous sommes arrivés il y a 14 ans en Franche- Comté et si nous y restons c’est que cette région a une spécificité que nous aimons, et que nous voudrions dégager, car nous gardons un œil neuf. Nous savons pourquoi nous avons quitté la région parisienne en 1991.
5-
Nous sommes depuis notre arrivée dans cette région obsédés par une seule phrase qui est presque devenue notre devise, c’est une phrase de Claude Nicolas Ledoux « Invente ou je te dévore ».
-6-
Nous sommes attachés à l’esprit d’innovation et d’invention sociales de la Franche- Comté. Que le revenu minimum ait été inventé à Besançon que la coopérative, les mutuelles, le Pacs l’auto gestion, la montre à quartz, le radar, la voiture à volant, l’hélicoptère, soient nées en Franche comté ne relève pas du hasard.
C’est le défi qui nous intéresse, montrer que la Franche -Comté et sa capitale régionale savent donner dans la différence. Et nous n’oublions pas que l’acte fondateur des arts de la rue en France c’est la falaise des fous au bord du lac de Chalains, nous en étions..
-7-
Pour nous, la fête ne peut pas être la commande d’une ville, une fête municipale est toujours décevante. Une fête doit avoir pour origine un groupe d’habitants ou d’artistes et être soutenue vigoureusement par la municipalité.
Le jour où la Franc- comtoise de rue a occupé la place Gravelle, la magie engendrée par cet événement spontané créé collectivement par des artistes franc- comtois, ne pouvait qu’être poursuivie.
-8-
Nous savons que la création de ce festival pour être réussi ne peut être l’œuvre que d’un collectif, qui comme tous les collectifs doit être mené par une main de fer. Cette méthode collective est essentielle.
Nous rêvons de regrouper toutes les forces vives artistiques franc- comtoises pour inventer ce festival. Cette notion de préférence régionale n’est pas pour nous poujadiste. ou protectionniste..
Nous avons tous envie de faire quelque chose ensemble, Grosse entreprise, théâtre de l’Unité, Plume, Pudding, Serial, Bains douches, chercheurs d’air., théatre group etc.
Il est rare de voir des artistes qui soient tous autant sur la même longueur d’onde et aussi complémentaire. Il est important que nos savoirs -faire puissent être mis en synergie et servir en priorité notre capitale régionale.
-9-
Nous avons une case dans notre cerveau qui s’appelle « la fête perdue il y a très longtemps ».
Nous avons tous le souvenir enfoui et inconscient de cette grande fête perdue. Nous courons tous après cette « fête perdue ».
Nous souhaitons travailler avec des ethnologues spécialistes de la fête pour échanger et améliorer nos connaissances.
De façon pragmatique nous savons simplement qu’une fête urbaine doit impérativement associer habitants et amateurs, pour ne pas devenir une simple programmation « consommatoire ». .
-10-
Les grands festivals de théâtre de rue ont débuté il y a vingt ans , ils sont au bout de leur chemin. Ils se sont transformés en grands marchés et ont perdu leur charme d’antan. Ils vont bien sûr continuer, mais le renouveau de la fête, c’est à Besançon qu’il aura lieu, si la municipalité sait faire preuve d’intuition. Ce qui pourrait être le cas.
-11-
Cela peut paraître agaçant que le but recherché fasse partie d’une politique de communication de la ville, mais cela ne nous gêne pas. L’artiste, lui, ne cherche pas la retombée médiatique, il cherche l’idée, et quand elle est neuve et originale, elle est médiatique.
Quelle ne fut pas la surprise du maire de Montbéliard de voir sa ville hissée au rang des grands réveillons mondiaux au journal télévisé de TF1 et de France 2. Nous avions trouvé le titre qui correspondait bien au Nord Franche Comté « les boulons »et une forme adéquate. Nous sommes remplis du désir de poursuivre avec la capitale régionale.
-12-
Une idée artistique ne se trouve pas en 3 jours , elle doit être l’aboutissement d’une longue maturation.
Cette maturation pour nous ne s’arrête jamais, mais nous n’allons pas sortir de notre chapeau, clé en main, le festival de Besançon , son titre, sa forme etc.
Le candidat qui sortira de ses cartons le projet déjà bouclé n’est pas un candidat honnête.
-13 –
A peine nommés, nous allons commencer un processus d’imprégnation lent avec une escouade d’artistes franc comtois, Nous garderions au poste logistique « la grosse entreprise ». Nous fabriquerions pour commencer des « marmites », ce sont des réunions informelles où l’on jette des idées dans la marmite, nous mélangeons les ingrédients, les données, les idées.
Ces multiples marmites de créativité doivent aboutir à un pré- projet. Ce pré- projet subira des modifications diverses lors de sa présentation aux différents élus de la ville jusqu’à prendre sa forme définive, qui sera mise sur orbite par un collectif –pilote.
-14 –
Voilà, vous avez un certain nombre de documents significatifs entre vos mains, nous avons succinctement décrit notre méthode de travail.
Notre sort ne dépend plus que de vous.
Nous croyons que « l’Eros »est en fait ce qu’il y a de plus important, car sans désir, sans passion, sans envie profonde, les idées ne sont rien. C’est le « faire » qui est important.
Plus nous écrivions ces 14 points, plus notre désir d’être choisi est devenu irrésistible avec ce rêve en filigrane de réaliser quelque chose de neuf et de poétique et de grandiose.
Ma mère m’a transmis quatorze défauts fondamentaux, un sacré héritage
Ma mère meurt le 3 février 2005 à 9 H 20. Le 9 février, je lis ça pendant la crémation au Père Lachaise.
1 Un art du désordre. Amoncellement, dispersion, strates. Une chambre d’hôtel doit devenir en quelques secondes un véritable capharnaüm.
2 Tendance à la narcolepsie. Dormir au spectacle, au concert, quand on vous parle, au feu rouge en voiture. Toujours partir en somnolence.
3 Perdre, oublier , égarer les objets, les retrouver, les égarer de nouveau. Clés, lunettes, porte monnaie, sacs à main. Ranger sans arrêt, et perdre à nouveau.
4. Toujours poser des questions, s’intéresser à l’autre mais ne pas attendre la réponse, passer à autre chose.
5. Faire la cuisine salement, à la russe, en mettre partout. Oublier de fermer le feu sous les casseroles. Brûler les casseroles comme 14 millions de Russes tous les jours.
6 Aimer son animal domestique, à la folie. Lui vouer un culte. Richie, Koschka pour ma mère. Rex, Groucha, Pina pour moi.
7. Suractivité chronique et névrotique. Ne pas aimer la tranquillité et la solitude. Chanson écrite pour Maman en 1964
8 -Incapacité de retenir ou de terminer les histoires drôles
9 Sens inné de la gaffe. Ne pas comprendre, ne pas faire exprès.
10 Confusion religieuse. Métisser toutes les religions pour augmenter le nombre de fêtes. Nouvel an Français, nouvel an russe, nouvel an juif. Pâques russes, Pâques françaises.
11 Quand on conduit, ne jamais regarder la route, se tourner pour discuter avec le passager des sièges de derrière.
12 Faire du tourisme sans regarder, mais lire le guide Michelin, être toujours plongé dans le guide Michelin.
13 Le culte de la photo. Faire sans arrêt des albums de toutes les fêtes, les naissances, et de n’importe quoi.
14 Ma mère m’a tellement aidé, assisté, protégé que jusqu’à l’âge de 50 ans je n’osais pas aller chez l’opticien tout seul, je ne savais pas quoi demander au coiffeur. Encore aujourd’hui il m’est pratiquement impossible de donner des coups de téléphone pour demander un service, je demande à ma femme, ou à quelque femme dont je m’entoure toujours.
Quatorze grands souvenirs de théâtre avec l’Unité
1 je lis les premières critiques dans le journal sur l’avare and co en 1972. Toutes bonnes cela fait un drôle d’effet
2 Pendant que je joue au théâtre des deux Portes à Paris j’aperçois au salut ma fille de quatre ans qui applaudit.
3 On s’amuse sur le cours Mirabeau à Aix en Provence en 1973. On fait un faux tournage. Ce sont les débuts du théâtre de rue.
4 Avignon 97. 2500 à l‘heure . A chaque séance standing ovation.
5 Dom Juan. Première à Montbéliard. Je pleure au salut. Dom Juan, dernière à Montbéliard, je re-pleure.
6 Copenhague. On vient de jouer la 2CV théâtre pour 3000 personnes enthousiastes. On a occupé tout le port.
7. Pétrozavodsk en Estonie. Mozart au chocolat. On est si loin, mais si près des gens. Naples : je respire l’air de la baie sur la terrasse de l’Institut.
8 Chambres d’amour.. . A la dix neuvième passe je suis en état d’apesanteur amoureuse.
9 Le passage à l’an 2000. Je suis sur une tour, au -dessus de 40 000 personnes, et je déclame du Cendrars.
10 Nouvelle Calédonie. On joue pour quelques femmes en pleine brousse. Leurs rires décrocheraient le soleil.
11 Terezin. Le silence de la fin, épais comme on ne peut pas imaginer. Seule, l’émotion à l’état pur flotte dans la salle.
12 La caravane passe en A. Aumur. Une femme âgée sur la pas de sa porte dit « je n’aurai jamais cru voir quelque chose d’aussi beau".
13 Le mariage à Tours, on déferle dans la grande rue comme des ouragans. Le public est médusé.
14 Brecht pour Muguette. Je suis fier d’avoir fait ce que j’avais envie de faire sans me soucier des modes et des avis.
14 PRINCIPES BASIQUES VERIFIES PENDANT 30 ANS AU THEATRE DE L’UNITE DESTINES AUX APPRENTIS FAI AR 2005-2006
1-Définir son objectif à long terme, et des objectifs intermédiaires. C’est l’objectif à atteindre qui donne l’énergie.
2- On doit payer le voyage- aller et parfois pendant très longtemps si on veut être payé de retour.
3- Ce n’est pas la peine de s’occuper des géraniums quand la maison n’est pas construite.
4- Pour trouver, il ne faut pas avoir peur de se perdre. « Invente ou je te dévore » doit être notre devise. Il faut absolument trouver son style, sa singularité, sinon ce n’est pas la peine. Si on ne fait pas avancer le théâtre au moins d’1 mm vaut mieux ne rien faire.
5- Ne pas craindre de rater mieux. Savoir qu’un échec ouvre l’appétit alors que le succès est mortifère.
6-Etre rusé. Se servir des médias à bon escient.
7-Etre curieux, fouiner, prendre. Il est difficile d’être à la fois artiste et ignare. La culture est une arme de construction massive.
8-Soigner les petits détails. Même le bouton d’un costume se voit à 40 mètres.
9-Connaître les trois grands processus de légitimation : la presse, ses pairs, les experts, les lieux classés.
10- Seules les mauvaises idées peuvent engendrer une bonne idée, ne pas avoir peur d’aligner des cartes sans valeur. Ne jamais contrer une idée si on en n’a pas de meilleure.
11-Se souvenir de la phrase de Picasso : « je ne cherche pas, je trouve ».
12-La culture, c’est végétal. Cela ne peut pas être rapide. Laisser faire les maturations naturelles. Ne pas craindre de laisser macérer plusieurs années.
13-Aller du compliqué au simple.
14-Faire éclater le corset. Pour étonner, surprendre, il faut d’abord être rigoureux, serré, sobre, et ensuite peu à peu on fait monter la folie. Trop de délire tue le délire.
14 REGLES DE THEATRE DE RUE SELON L’UNITE
-1-
C’est le plateau qui décide. Il faut tester les idées, le choix s’impose toujours.
-2-
Dans un chœur, on ne voit que celui ou celle qui ne joue pas le jeu.Toute intervention de rue doit avant tout être crédible.
-3-
Dans la rue on ne brasse pas du vide, notre énergie ne sera belle que si elle a un sens.
-4-
On joue toujours face au soleil.
-5-
Le plus dur dans la rue, c’est d’être vu.
-6-
Le pire danger dans la rue, c’est de passer pour un fou, un clown ou une secte.
-7-
Si vous êtes vraiment concentré, votre puissance devient phénoménale, vous devenez invulnérable et intouchable. On peut tout faire dans la rue y compris mettre nu n’importe quel homme. (jamais une femme).
-8-
Le théâtre de rue doit être préparé mais pas trop, car l’imprévu est toujours au rendez- vous.
-9-
Dans la rue, on ne s’adresse jamais aux enfants, ni aux saoulards, ni au groupe de copains entre eux.
-10-
On évite au maximum de prendre comme complice un professionnel ou un VIP.. Ils ne savent pas jouer. Mais on peut brocarder les uniformes.
-11-
On ne joue jamais avec des lunettes noires, car dans la rue le regard est au centre de tout, et dans la rue on regarde le public en face.
-12-
Dans la rue, on évite de jouer avec les personnes qui nous paraissent antipathiques ou celles qui baissent les yeux. La complice idéale est la femme de plus de 60 ans, elle n’a plus rien à perdre.
-13-
Le secret est une arme absolue.
-14-
Dans la rue il faut être suffisamment simple pour qu’un Coréen qui ne parle que Coréen puisse vous comprendre.
LES 14 RADOTAGES DE LIVCHINE A AURILLAC
quelques extraits ont été publiés par 5H du mat' à Aurillac.
le 25 janvier 2004
1
C’est quoi la différence In Ou Off ?
Les uns touchent de l’argent pour jouer, les autres paient pour jouer. Les uns couchent dans leur camion, les autres à l’hôtel.
2
Pourquoi y a t-il du Off ?
Parce que toutes les compagnies veulent être vus par les professionnels qui disent tous « on va prendra quand on vous aura vu » alors ils jouent à Aurillac, qui est au théâtre de rue ce que Cannes est au cinéma avec l’espoir d’être remarqué.
3
Est ce que le IN est meilleur que le Off
Personne ne peut savoir. Puisque le Off c’est 530 compagnies chaque jour et le IN , 17 spectacles. Donc personne ne peut voir plus de 30 spectacles sur le festival.
Donc celui qui aura vu peut être 80% du IN , ne verra pas le off. Mais le Off, on peut dans le meilleur des cas en effleurer à peine 4%
Le IN étant le fruit d’une sélection est-il bien meilleur . ?
Mais pas du tout.Le In est le choix du directeur du festival, et lui tout seul Si vous savez lire le programme vous verrez qu’il est très souvent le producteur des pièces présentées. Le chic du chic c’est de présenter les nouvelles productions qu’on appelle des créations . D’habitude elles ne sont pas prêtes, car elles ne sont pas encore passées par l’oxygénation au public. Avez vous remarqué que ce qu’il y a de plus drôle dans le programme c’est la page de droite. La liste des coproducteurs.
En fait, ce n’est pas difficile, pour faire votre choix, prenez la compagnie qui a le moins de co- producteurs, car l’argent est souvent castrateur.
4
Le théâtre de rue était gratuit, là 7 spectacles sur dix- sept sont payants. Etude du phénomène
C’est le grand débat. Il y a les partisans du tout gratuit avec en chef de file la compagnie royal de luxe.Evidemment, cela serait impossible de payer pour un défilé, mais quand le spectacle est sur gradins comme l’histoire de France ou Péplum, ils pourraient avoir une billetterie. Ils sont éthiquement contre. Alors on paie sa place en heures de queue. Dans le temps, chez Royal, on était inflexible, tout le monde était à la même enseigne. Maintenant, la presse et les professionnels passent par derrière. C’est dommage, la queue c’est excitant, cela aiguise le désir.
Le vrai problème ce sont les jauges. Même les compagnies du IN jouent leur avenir, donc il faut que les programmateurs aient du confort. Le seul moyen, c’est de vendre des places.
Les partisans du payant disent que le boucher ne donne pas sa viande.
C’est un débat impossible.
Au début du théâtre, il y a 2500 ans c’était gratuit, ou mieux les spectateurs étaient payés par la cité.
5
Comment se fait-il que le théâtre de rue ne se passe plus très souvent dans la rue , comme mais dans des espaces fermés ?
Il y a du théâtre de salle qui se joue dehors , du théâtre de dehors qui se joue en salle, Le théâtre de rue, c’est une forme d’esprit de théâtre, qui laisse plus de place à l’improvisation, aux relations singulières avec le spectateur, et il peut se jouer dans la montagne, dans une cour , dans une prairie et même dans un théâtre. Pour le théâtre de rue, tout peut être espace théâtral, même un lit, une automobile, un train.. Et comme dit Léo Bassi, le bâtiment théâtre n’est rien d’autre qu’une rue couverte.
6
Il y en a qui disent que le sens est important
Ils ont un peu raison quand on voit tellement de gens qui n’ont rien à dire et qui vous prennent une heure pour vous le dire. Mais le sens c’est complexe. Il y a des œuvres à incubation lente dont le sens n’apparaît que longtemps après.
Et puis un artiste s’il se dit :je vais mettre du sens dans mon spectacle, là on irait au désastre. Le Sens n’est pas le sel dont on parsème un plat.
7
C’est quoi la dissolution du théâtre de rue ?
Il y en a qui disent que dans la nature, tout naît, tout meurt. Alors Aurillac devrait mourir pour renaître. C’est le débat des professionnels entre eux. Certains pensent que le théâtre de rue, ça date et c’est fini. Ce qu’ils oublient, c’est que 80% des français n’ont jamais goûté au théâtre c’est que 29560 communes en France n’ont pas vu l’ombre d’une échassier. Cela dit Aurillac est un monument tellement lourd que pour le faire bouger ne serait-ce que d’un centimètre cela exigerait une révolution. Mais cela commence doucement. Les préalables, le parapluie.
8
Les retombées économiques, comment les chiffre t-on ?
Il y a plein de chiffres différents.
Il paraît qu’à Bilbao la ville pour se remonter économiquement a fait bâtir un musée –cathédrale, le musée Guggenheim en 1997. Cela a coûté 150 millions de dollars. Eh bien en trois ans, la mise a été récupérée grâce aux 850 000 visiteurs annuels et leurs dépenses dans la ville.
Alors quand vous laissez à Aurillac, 17 euros au café de la paix pour un steak salade, une tarte aux pommes, , et une Badoit. Vous faîtes une retombée économique.
La retombée, me dit Paco Bialek qui a l’air d’en connaître un morceau peut être de 3 ou même de 7. Aurillace , budget 1 millions, donc 3 millions de retombées.
9
.Le divertissement culturel, le public consommateur.
. Les gens se baladent dans les festivals comme dans les vide greniers. Ils viennent voir en famille. Pour les enfants il y aura toujours un sculpteur de ballons à nez rouge qui fera l’affaire et la joie des enfants.
Tous ces gens en auraient rien à fiche de l’art, ils viennent prendre un « bol d’art » et s’en vont. L’artiste qui a mis sa vie en jeu a du mal à supporter tout ce public qui en a rien à foutre des évolutions de l’Art en France.
10
Le mouvement anti-programmateur
Peu à peu les directeurs des festivals font la loi. Ils deviennent plus connus que les artistes qu’ils invitent. Ils sont interviewés sur FR 3. Ils sont les maîtres du Monde. Ils achètent pour leur public ce qu’ils prétendent que leur public aime.Alors c’est le formatage qui se met en place. Pas plus d’une heure, pas plus de 4 personnes , du « ririque » pas d’ésotérique, pas de recherche, pas abscond, pas compliqué techniquement.
Mais il y a à côté le vrai programmateur-inventeur, celui qui est artiste à sa manière car il inscrit son festival dans le territoire, celui-là passe commande, rencontre les artistes, les connaît bien , il n’est pas simple programmateur, ils scénographie les espaces du territoire et développe une philosophie et une éthique.
11
Le public c’est qui ?
Il n’est pas sorcier d’aller au In d’Avignon, puis au In de Chalon et d’Aurillac pour voir que le public n’est pas le même. A Avignon IN ce ne sont même pas les « bourgeois-bohême » mais les CSP + (catégorie socio professionnelle supérieure) qui forment la base du public du IN avec un vernis intellectuel apparent qu’il ne faut pas trop gratter. Ils sont arrogants, dominateurs, prétendent être le ‘bon goût »A Aurillac , c’est bien plus familial et décontracté, on est simple, » on ne se la pète pas ».On est peu mondain, on applaudit pas à tout rompre ce qui ne nous plait pas.
Pourtant il y a une étude de faite sur sur le public de théâtre de rue; 60% des spectateurs ne savent pas ce qu’ils vont voir cinq minutes avant., mais plus de 50% sont des connaisseurs et voient de spectacles au cours de l’année.Pour dire que le public ce ne sont plus les badauds des premières heures qui forment la majorité.
12
Est ce que le théâtre du dedans c’est mauvais ?
On l’entend beaucoup dire. C’est ennuyeux, c’est long, c’est mortifère. Mais méfiance. La tendance du théâtre de rue est de gagner ses galons de professionnels pour faire soi –disant du vrai théâtre, alors cela devient long, ennuyeux, mortifère, et de plus on ne peut même plus zapper et c’est payant par- dessus le marché.
13
Ce qu’un hollandais pense des Français dans les colloques
Les colloques, cela pompe l’énergie. On ne comprend que ce que l’on sait et pourtant il en faut des états des lieux. Un hollandais se demande pourquoi il faut vingt minutes à un intervenant français pour dire ce qui pourrait être dit en 2 minutes. On est formé comme ça en France, on doit s’étaler pour être pris au sérieux.
-
Activité qui consiste à jeter des noms à la face de l’interlocuteur pour montrer votre culture en rue et même au delà.
Quelques noms à glisser :
Paillette, le cirque Alligre, dehors dedans. Le Living théâtre, Kantor, Meyerhold, Stanislavski, Crespin, Van der Malière, Pierrot Bidon ou de Générik , Rita,.Eugénio Barba, Grotovski.
14
Songy, directeur d’Eclats a déjà sa rue à Chalon en Champagne
Que pouvez espérer de plus Jean Marie. C’est notre rêve à tous,, avoir sa plaque de rue. Renseignements pris : c’est votre grand père ex conseiller général
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