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Billet du 10 juillet 2023, Avignon pourquoi j'y retourne.


Vieux festivalier typique


Avignon pourquoi j’y retourne ?


Je n’arrive pas à me désintéresser de l’avenir du théâtre, je veux encore savoir comment il vieillit, comment il grandit.

Je lui ai donné toute ma vie, et là j’aimerais bien m’en détacher, le voir de haut, comment ça a évolué depuis Jean Vilar.

Je n’y arrive pas.

Hier je passais devant le verger d’Urbain, là où nous allions écouter Jean Vilar religieusement dans les années 1967. Il faisait le théâtre et pensait le théâtre. Visionnaire, mage, voyant, pénétrant, personne n’a pris sa place aujourd’hui.


A l’heure où la priorité est de sauver la planète qui est en train de s’engloutir dans une réchauffement climatique sans précédent, Avignon est une aberration.

Parkings monstrueux, Et dans tous les lieux voués au théâtre, les climatisations ronronnent sur intensité 12. Les compagnies off continuent leurs campagnes d’affichages papiers qui enlaidissent la ville.


Je lis des articles dans le Monde et Télérama sur Extinction de Julien Gosselin, un emballement, un enthousiasme qui dépassent l’entendement. Vite je clique : deux places, tant pis pour le prix prohibitif.

Et Julie Deliquet fait des discours magnifiques à la Ken Loach sur la société qui se délite. Hop encore plus cher, deux places rang Z dans la Cour d’Honneur.

L’effet piédestal, rien de pire. On te dit : vas voir ça c’est prodigieux, alors tu règles ton logiciel d’estimation d’un spectacle sur “prodigieux”, et te voilà déçu.


Julien Gosselin après une fête techno d’une heure qu’on a déjà vu chez Macaigne, nous inflige deux heures et demie de film en direct / C’est exaspérant, les coques de plastique qui reçoivent nos postérieurs sont affreusement inconfortables, j’étouffe, je sue, je sors prendre l’air. Et puis le miracle, scène vide, cinquante spectateurs installés sur le plateau et une comédienne de la Schaubûhne égrène le verbe de Thomas Bernhardt. C’est fort. Ça arrive comme une lumière. Je lui dis : Julien tu es EPIQUE.

D’abord tu nous étouffes, on sent dans notre corps la société viennoise bloquée et qui tourne en rond, tu fais exprès pour que la sortie du tunnel soit prodigieuse.


Et voilà que sort en plein Avignon la thèse de Marjorie Glas “quand l’Art chasse le populaire”.

Il n’y a pas besoin d’être sociologue pour voir que dans le IN les places à 40 € filtrent le public. Oui il y a des dispositifs qui permettent aux jeunes de venir, mais ils sont en minorité.

Vieux public blanc, on sent qu’ils viennent de leurs résidences du Lubéron pour éprouver l’avant- garde et discuter à l’apéro au bord de leurs piscines avec des amis. Qu’est ce que tu as vu de beau ?

Ce sont des lecteurs de l’Observateur et de Télérama.

Jusqu’à ma mort le problème du public me hantera.


J’ai commis un acte irréparable. Je culpabilise. Oui, dans la cour d’honneur, au dernier rang, je ne captais pas du tout la pièce de Julie Deliquet, Welfare, c’était trop loin, ou le texte était trop quotidien, bref cela ne passait pas. J’étais en colère contre le festival : on ne vend pas 40 € des places où l’on entend à peine et où les acteurs ressemblent à des fourmis.

8 juillet 2023, il est 0 H 30 je me dis que cela serait drôle de filmer mon ennui. Il y a la case filmer en direct sur FB.

Et fusent les commentaires haineux : ça a l’air chiant. C’est quoi ce vieux terrain de basket ? Il ne se passe rien etc.

Tu ne juges pas un spectacle d’après une vidéo de portable, et pourtant, on se fait une idée.

C’est une pièce qui déborde de bons sentiments. Sur une scène de théâtre bourgeois on va montrer la misère du peuple.

On va faire un documentaire social, qui renverra sans nul doute à nos gilets jaunes alors que c’est basé sur un film tourné avec des vraies pauvres aux USA par Wiseman.

Retour à la case théâtre populaire: les pauvres ne sont pas dans la salle, ça c’est sûr, alors montrons les sur scène.

Or moi j’ai mon vieux côté brechtien, il ne s’agit pas de montrer la misère sociale sur scène, mais de montrer que le monde peut être transformable.

Je savais que cela allait arriver puisque je pratique le “hate watching” , je vais voir des spectacles pour les détester, et me bâtir ainsi un univers de valeurs.

Parce que c’est trop facile d’injurier ce qu’on n’a pas vu.


Un jour, ma pratique du “hate watching” m’avait conduit au théâtre du Palais royal, y voir ce qui pour moi représentait la bassesse la plus vile du théâtre : le boulevard.

Etudiant de l’institut d’études théâtrale avec des professeurs théoriciens absolus de l’art théâtral, je me devais de détester ce que j’allais voir.

C’était la cage aux folles avec Poiret et Serrault

Drame absolu pour moi, je n’ai fait aucun rejet mais j’ai été carrément admiratif, parce que les comédiens n’étaient pas cabotins, ne recherchaient pas les rires faciles, parce que cela ne tombait pas dans l’homophobie, c’était de grande qualité.

D’où mon envie de tout vérifier et de constater par moi même.


Avignon, le graal.

Toute la critique parisienne est présente.

Jadis j’avais appris que le festival défrayait les journalistes du Monde, cela me choquait, j’ose croire que ce n’est plus le cas.

Donc je me délecte de tous les articles contradictoires le Monde , Libération, Télérama, les inrocks ils sont tous là.

Tiago Rodriguez, c’est l’état de grâce, Olivier Py, personne ne le regrette, et Vincent Baudriller non plus.

Événement majeur, le festival reprend la carrière de Boulbon, site adoré par Brook, mais à quel prix ?

600 000 € de travaux de consolidation.

Aujourd’hui la vérité vraie, ce sont les chiffres.


















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