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Billet du 6 mars 2023 sur le théâtre populaire




Quand je commençais le théâtre dans les années 1966, Jean Vilar était le maître incontestable, il fallait que le théâtre soit populaire.

On ne se demandait pas pourquoi nous faisions du théâtre mais pour qui nous faisions du théâtre ?

La revue la plus cotée à l’époque s’appelait “théâtre populaire”. Nous honnissions le théâtre bourgeois, au théâtre ce soir, ainsi que tout le secteur privé. Nous n’avions à la bouche que la formule : le théâtre est un service public au même titre que le gaz et l’électricité. Jean Vilar était une sorte de mage, nous allions l’écouter recueillis au verger d’Avignon.

Et puis à partir de sa disparition en 1971, la valeur “théâtre populaire” s’est démonitisée.

Lors d’un débat à Brest sur l’avenir du théâtre, un orateur déclara : quel est l’intérêt d’aller déclamer du Rimbaud aux petits arabes des quartiers ?

On parlait des créateurs, de la création, du pouvoir aux créateurs, créateur, un mot que ne prononçait jamais Jean Vilar, il se qualifiait modestement d’animateur.

Après Jack Lang qui fut fort généreux avec les milieux culturels, amateur de clinquant,les ministres se succédèrent sans aucune politique, à part Catherine Trautmann qui fit une tentative de re -donner du sens à son Ministère sous Jospin premier ministre.

On parla de démocratisation, mais ceux qui tentaient de la pratiquer ne recevaient que mépris et quolibets. Au diable l’éducation populaire. les MJC et les centres sociaux étaient asphyxiés faute de moyens

Puis vinrent les droits culturels qui s’appuyaient sur la déclaration de Fribourg, le droit pour chacun d’avoir accès à la culture. Un ancien Drac, Jean Michel Lucas au pseudonyme de Docteur Kasimir Bisou entama une campagne d’explication.

Mais voilà, au théâtre de l’Unité, il n’a jamais été question de renoncer aux valeurs de Jean Vilar. Dès 1972 considérant que dans les salles de théâtre la mixité sociale n’était pas au rendez- vous, nous décidions d’aller trouver le public là où il se trouvait : dans la rue. Dès 1973 le directeur du relais culturel d’Aix en Provence, Jean Digne, fermait le cours Mirabeau aux automobiles pour laisser la place aux saltimbanques. Le mouvement des arts de la rue a pris de l’ampleur, mais peinait à trouver sa place au sommet de la hiérarchie des arts.

On nous considère comme de l’animation, du bas -art. Alors que les festivals attirent plus de 40 000 personnes, et qu’on en compte 300 en France, l’observatoire des politiques culturelles ne les compte pas dans les statistiques du Ministère car c’est du gratuit sans billetterie.

Sommes -nous pour autant populaires ?

Bienvenue chez les Chtis fait quinze millions d’entrées et les Tuches, et Astérix et Avatar attirent des millions de personnes. Remboursent leur mise en moins d’un mois. Les enfoirés font une audience de 9 millions de personnes à la télévision.

Je regarde ces œuvres, perplexe. Je n’aime pas ce populaire là.

Pour Vilar l’art populaire devait élever l’esprit. Alors le peuple aurait- il mauvais goût ?

Je me console, on va fêter les vingt ans du Kapouchnik. 159 éditions, complet depuis vingt ans, d’un public qui n’est pas celui des centres dramatiques et des Scènes Nationales.

Je voudrais bien parler sur France Inter chez Laure Adler de cet autre théâtre, mais rien n’y fait, les portes du studio me sont irrémédiablement interdites..


















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