Billet du 14 décembre 2025, je n'aime pas le succès
- livchine
- il y a 5 minutes
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le faux salut de Terezin. photo : Agence Enguerrand
Je n’aime pas les succès, je n’ai jamais aimé les succès, c’est bizarre.
Je vais essayer de m’expliquer.
Je trouve que les succès sont toujours usurpés et jamais mérités.
Je n’aime pas les saluts de triomphe.
A chaque fois je pense à la phrase de Jouvet qui s’adressait à un jeune comédien : "petit, quand tu te baisses pour saluer, n’oublie pas que ce n’est pas pour recevoir des fleurs, mais c’est pour demander pardon au public".
Et oui quand on regarde les compagnies qui “cartonnent” comme on dit, ce sont rarement les meilleures.
Ce sont les plus consensuelles. J’écoutais Michalik qui triomphe dans au moins quatre théâtres à Paris.
J’ai vu Edmond, mais oui c’est bien fait, c’est sympathique, c’est fait pour plaire.
J’ai envie de lui envoyer la sentence de Cioran:
“J’ai connu toutes sortes de déchéances y compris le succès.”
Peter Brook avait analysé le phénomène, les plus grands succès à Paris sont le plus souvent des pièces mortifères, il disait : the deadly theater.
Le vrai succès, selon moi, c’est la rémanence, quand dix ans après avoir joué quelqu’un vient vers vous pour vous dire, vous m’avez bouleversé,vous avez changé ma vie. Ah là oui. Mais le soir même, les “ mercis c’était super” je ne les écoute jamais.
Le pire c’est le cabotinage des compagnies, salut avec musique, on sort on attend que le public vous réclame, et dès que baissent les applaudissements on revient en courant. Pour moi,c’est la honte même s’il m’est arrivé de le faire.
Donc on a toujours rêvé ne pas terminer par un salut. Ce n’est arrivé que pour une seule pièce. "Terezin” sur les camps de la mort, on restait figé et on regardait le public.
C’étaient cinq minutes d’une force inimaginable, et en silence un par un les gens quittaient la salle sans un bruit.



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