Billet du 21 décembre 2025, ma fille.
- livchine
- il y a 1 jour
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Dana avec le président du Timor oriental, José Ramos Horta, prix Nobel de la paix.
Je parle, je parle, j'écris, je radote, et un jour, je me dis, tu parles de tout, de rien, mais tu ne parles jamais de tes enfants, pourquoi tu ne parles jamais de tes enfants, tu fais comme si t'avais pas d'enfants, pourtant les enfants ça compte non ? eh oui me dis -je
À chaque fois, à chaque fois que l’on me demande une de mes grandes émotions de ma vie, je parle de la naissance de mon premier enfant.
Je quitte le théâtre de l'épée de bois le 31 décembre à Paris où je joue la poudre d’intelligence de Kateb Yacine. J’ai 24 ans.
J’appelle du Taxiphone du tabac de la Contrescarpe, l’hôpital de la cité universitaire,
qui n ‘existe plus aujourd’hui.
L’enfant est né, me dit-on, mais à l’époque on n’avait pas le droit de dire fille ou garçon.
“Vous pouvez passer exceptionnellement”, alors je roule en 2CV et ce qui se passe est incroyable, minuit, les cloches se mettent à sonner et les voitures klaxonnent, et je pleure car je crois que c’est pour la naissance de cet enfant que je ne connais pas encore.
Je cours dans le couloir, je le revois encore ce long couloir. Je me précipite dans la chambre.
C’était une fille et c'était une émotion étrange et énorme que j'ai gardée comme la grande émotion de ma vie, avoir un enfant, une minuscule petite boule de 3 kgs.
J’aimais bien le côté courageux d’Edith, c'est une femme qui se plaignait pas et qui a fait un enfant sans histoire, je l’avais déposée avant d'aller jouer vers 18 H et puis voilà l'enfant était né à 23 H, on l’a déclaré le 1er janvier 1968.
C’était il y a 58 ans et toutes les images sont bien précises dans ma tête.
Mais ce qui est bizarre, le jour arrive où ton enfant n’est plus ton enfant, c’est une femme adulte. On ne s’y attend pas.
On croit qu’elle a reçu une éducation exemplaire, elle a fait de bonnes études et même elle est rentrée au CNRS où elle est directrice de recherche, et puis patatras…
Elle a lu Virginie Linhart, le jour où mon père s’est tu. Elle pense qu’elle a eu des parents qui se sont occupés de théâtre et de la révolution beaucoup plus que d’elle.
Douche froide. Education ratée !
Et puis choc récent, la voilà sur Facebook en entretien privé avec le président du Timor oriental. `
Alors, comme on fait aujourd’hui, je tape le nom de ma fille dans la barre de recherche de google, et c’est une avalanche d’études, d’articles, de publications, d’éloges.
J’avais acheté son premier livre il y a 20 ans, le chant de la terre aux trois sangs, nous l’avions même rejoints une année sur un de ses chantiers au pays Toraja. mais après je me suis plus préoccupé du théâtre de l’Unité que des recherches de ma fille, Dana Rappoport.
A la vérité, c’est que je ne comprends pas tout, et surtout je n’ai pas les critères d’évaluation.
Donc tu as une fille extrêmement fêtée et louée dans son milieu des ethno -musicologues, mais tu es dépassé.
Elle parle indonésien et sans doute d’autres dialectes, et là, que fait elle au Timor oriental avec José Ramos Horta, prix Nobel de la paix 1996 ?
Et moi que sais- je vraiment du Timor Oriental ? Que fait elle là bas ?
D’où tient -elle ce goût scientifique de la précision, et de la recherche ? Certainement pas de son père. Peut -être bien de son arrière grand père paternel qui parlait cinq langues et dont les grammaires étaient fort prisées après la guerre (Francis Lebettre).
C’est un métier plein de risques, elle parcourait en moto un pays accidenté, pauvre, couchait chez l’habitant, sans eau sans électricité à même le sol, avec risque de paludisme et autres maladies, un jour je lui ai demandé c’est quoi cette passion dévorante, elle m’avait répondu en quatre mots : l’amour de la connaissance.



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