
C'était là exactement il y a 37 ans, Chalon, première édition, nous y étions.
J’avais dit : bon ça va comme ça, j’en ai assez connu des Chalon, des Aurillac, des Sotteville, des Amiens, des Vieux Condé etc.
Et puis qu’est-ce qui me prend ? J’y retourne.
Je m’arrête à l’endroit précis où en 1987 nous jouions la femme Chapiteau, dans un Chalon désert, dans le public y avait la fille de Giscard car il y avait une fête du cheval. Je m’en souviens.
Ce qui me frappe, c’est la sociologie du public. Il y a plusieurs couches, les familles et les enfants, et puis le soir les jeunes et leur appétit de vivre et de voir.
Et toutes les jauges pleines, et de l’enthousiasme. Standing ovation à tous les coins de rue.
Et ça discute partout… Faut voir quoi ? 3 jours pour se décider. T’as vu quoi qui t’a déglingué ?
Excuse -moi je ne conseille rien, je ne suis pas vraiment du public moi.
J’ai cinquante ans de théâtre de rue dans les jambes, j’ai vu plus de 2000 spectacles, je suis formé à l’école brechtienne, je veux de l’épique du puissant, du ravageur. Et je ne veux pas me fâcher avec Lucile, devenue Madame Off, d’ailleurs il n’y a pas de raison. Tout ce que j’ai vu tient bien la route, mais je n’ai pas envie de faire des palmarès, je suis admiratif de l’énergie, du don de soi, de l’invention permanente.
J’ai du mal à accepter l’indifférence des observateurs des politiques culturelles qui ne comptent pas dans leurs statistiques le public de rue.
Mais c’est la vérité. 200 000 personnes à Chalon, pas de billetterie ou si peu alors ça ne compte pas. C’est scandaleux.
Le mouvement des arts de la rue mérite beaucoup plus d’attention des médias. Merci à Stephanie Ruffier d’écrire dans l’Huma, mais il y a deux cents spectacles par jour, comment juger à partir d’une douzaine de spectacles ?
Et puis ce n’est pas la Comédie Française qui représente la France à l’international, c’est le théâtre de rue français exporté sur la planète entière.
Le théâtre de rue va faire partie de l’histoire du théâtre indéniablement, avec un renouvellement des formes et du public. J’en suis persuadé.
Je ne peux m’empêcher de citer Rimbaud : Recevons les influx de vigueur et de tendresse réelle et à l’aurore armés d’une ardente patience nous entrerons aux splendides villes.
Quand j’y crois plus, j’y crois encore
Jacques Livchine
Metteur en songes, pré-décédé.
L'Unité.
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