37 ème Nuit Unique
29 heures sans dormir. Alors on récupère, on se couche vers 14 H on est debout à minuit. Il parait qu’une nuit banche ré -initialise l’horloge humaine.
En ce qui me concerne, je me retrouve le cerveau vidé, je suis déboussolé; déspatialisé.
Je pense le contraire de tout.
Je crois que je fais une crise de goutte, et aussi une crise de doute.
On a joué dans un immense pavillon d’’exposition : Juraparc.
Le théâtre qui nous invitait avait offert à chaque artiste un petit sac avec des victuailles, bien -sûr le comté, mais aussi le coca du coin, la bière et plein de petits paquets comme dans une pochette - surprise. Eh bien ça touche.
Moi qui ne cesse de dire qu’en 30 ans le métier de comédien a perdu tout son prestige, depuis qu’on a remplacé le mot comédien par le vocable intermittent, or l’intermittent est considéré par les jeunes comme un rebut de la société qui réclame sans arrêt d être aidé.
L’OS de Peugeot hallucine : quoi ? il suffit de travailler 507 heures pour être indemnisé tout le reste du temps à des taux qui sont loin d’être ridicules, 40, ou 50 ou 60 € par jour.
Depuis que je suis arrivé au Pays de Montbéliard il y a plus de 30 ans, je n’ai jamais osé être intermittent.
Donc ici à Lons le Saunier, nous voilà valorisés par Scènes du Jura. Quand Cédric Fassenet le directeur me demande un mot sur l’affiche j’écris : moi qui adore fustiger l’Institution je ne pourrai plus le faire … tant vous avez été à la hauteur.
Shakespeare l’avait écrit : veillez à ce que les comédiens soient bien traités car ils sont la chronique du monde en raccourci.
Mais oui, nous avons besoin d’être dorlotés car nous sommes des mécaniques sensibles, on pourrait nous comparer à la formule 1.
Ce n’est guère évident de jouer 7 heures de suite, il ne faut pas trébucher sur les mots. Parfois quand je déclame le “bateau ivre” je me sens comme un skieur dans un slalom spécial, il ne faut rater aucune porte, accélérer, ralentir, porter la voix et surtout ne pas montrer nos imperfections, tiens les quatre derniers vers je les ai écorchés :
je ne puis plus baigner de vos langueurs, Ô lames
enlever leur sillage aux porteurs de cotons
ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes
ni nager sous les yeux horribles des pontons
Alors ce premier mai?
Même les batailles perdues d’avance, il faut les livrer, allumer des contre - feux. Macron n’avouera jamais que c’est la grande finance qui prend toutes les décisions à sa place. Il n’a pas su calmer son peuple, alors il vient de recevoir un grave avertissement de la bulle financière, la note de la France est dégradée d’un point. Il parait que c’est grave, les taux d’emprunt vont augmenter et la dette de 3000 milliards va s’alourdir.
Mais pendant ce temps-là il existe des oasis de fraicheur et de bienveillance, des lieux de résistance, des abris anti-capitalistes, Scènes du Jura mérite notre admiration.