
Kolia et Gaïa deux de mes petits enfants
J’écris pour éclaircir mes pensées, j’écris pour essayer de me comprendre. Je suis un graphomane. J’ai douze carnets dans lesquels je raconte 35 années de vie, sans compter ceux que j’ai égarés.
Je n’ai aucune prétention à être lu, cela ne m’intéresse que fort peu.
J’écris : cela m’est nécessaire. Je le répète sans arrêt : ce qui n’est pas écrit n’aura pas été vécu.
Un chien là-bas hurle à la mort, le cancer me chatouille le dos, c’est un été où il pleut même quand il fait beau. Biden, même âge que moi, lâche son business de Président des USA, je devrais faire pareil, mais j’ai peur de m’ennuyer. Les moissonneuses moissonnent.
Et moi je j’examine le concept “famille”. Gaia et Kolia, deux de mes petits enfants veulent que je leur parle de ce qui s’est passé avant leur naissance, ils ont besoin d’apprendre de leur grand père. Ils sont arrivés de Paris pour quatre jours d’entretiens. 25 ans et 22 ans.
Je prends conscience que dans mon portable je n’ai ni des photos de mes enfants, ni de mes petits enfants, ni mon frère ni ma soeur je n’ai que mes chiens. Serais je anti-famille pour autant ?
Ketty ma soeur organise tous les dimanches dans son jardin de Meudon, un repas familial. Ma mère faisait pareil.
Et moi j’ai sans arrêt le slogan qui s’affiche dans ma tête : famille je vous hais, et Pétain qui avait donné à la France comme devise : Travail famille Patrie.
N’est-ce donc pas réactionnaire et vieux-jeu de croire encore dans la famille ?
Les grandes familles, c’est fini à cause du contrôle des naissances, de la pilule, alors la famille c’est devenu cette minuscule unité : un couple et deux enfants. C’est étouffant dans un trois pièces. On se sépare vite par besoin d’oxygène.
Dans les grandes familles d’antan, il y avait de l’ambiance. Mon Oncle Sénia avait six enfants, il y avait une tradition de blinis le dimanche, rue du château à Boulogne. Que des magnifiques souvenirs.
Gaîa et Kolia me posent des questions sur ma naissance au Chambon sur Lignon, village des justes. 800 habitants et 5000 réfugiés. Je leur raconte mon père en fuite, évadé de Drancy, et le pasteur Trocmé : on se battra avec les armes de l’esprit, j’en ai fait une devise pour mon théâtre. Et puis je dois leur expliquer comment le théâtre va rentrer dans ma vie. Ce doigt que je lève quand le professeur demande qui est volontaire pour jouer dans le mariage de Figaro, ce doigt levé mollement je le revois encore, car ce doigt, c’est l’engrenage d’une vie qui va se jouer en trois secondes.
Le théâtre ne me quittera plus jamais. Et je parle et je m’égare sans chronologie. Et puis ils m’interrogent sur mes échecs scolaires répétitifs qui font rire tout le monde. J’ai mis quatre ans pour avoir mes deux bacs de l’époque.
En fait je n’ai jamais fait de psychanalyse, je ne me suis jamais vraiment exprimé sur ces conduites d’échec. Alors je leur raconte : j’ai environ douze ans, on habite 20 rue Nungesser et Coli à Paris face au Stade Jean Bouin au premier étage, ma mère m’appelle : va dire au revoir à ton père, je vois mon père en bas dans la rue rentrer dans sa simca 6 une valise à la main, et là, soixante huit ans plus tard , les larmes me viennent, j’éclate en sanglots, je ne peux pas me contenir, je dis juste : mon père partait pour toujours, je ne le verrai plus jamais dans l’appartement familial. Je pensais qu’il partait juste en voyage.
Et puis je continue : quelques années plus tard en 1958, c’est ma mère remariée qui s’en allait en Angleterre avec Ketty et Alain. Je restais tout seul dans l’appartement, je me suis allongé sur la moquette, je la griffais, c’était la fin d’une époque, la famille brisée.
j’ai honte devant mes petits enfants -, les yeux mouillés, je m’excuse auprès d’eux. Vous me demandiez pourquoi mes échecs répétitifs. C’était ma résistance à moi.
C’est la première fois que je fais remonter ces souvenirs. Alors bien entendu j’en ait fait une de mes innombrables théories jetables : être artiste cela part toujours d’une blessure.
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