Nouvelle Calédonie, loin de Nouméa dans une tribu canaque.
Balance de la vie.
Plus de passé que de futur. Ligne de partage de la vie.
Si je classe mes souvenirs de théâtre, c’est Rimbaud à Harar qui m’a le plus impacté.
Puis dans une tribu de Nouvelle Calédonie devant un groupe de femmes avec Hervée et Lena Breban on joue la scène de Dom Juan et des paysannes, j’ai compris l’expression : se plier de rire.
Dans les deux cas de figure, c’est le public vierge qui nous a élevé à un état de grâce.
Il faut revenir aux origines du théâtre.
Thespis le premier acteur qui déclame sur un chariot dans une fête dionysiaque.
C’est mon postulat de base : le théâtre des origines n’était pas un bâtiment, il se jouait sans toit en espace ouvert.
J’en ai conclu que le théâtre ne peut pas se passer du peuple et je l’ai vérifié au cours de mes 60 ans de théâtre.
Il fallait aller là où il y a du désert.
Ça a été le sens de notre carrière descentionnelle.
Pratiquer un art brut et sauvage, un art furtif, non balisé, hors case, hors norme.
L’acte théâtral me dit Bartabas doit toujours être sanctionné par un don financier, mais moi j’aime l’apparition d’une biche dans les phares de ma voiture, j’aime la femme que l’on voit une seconde à sa fenêtre et qui preste s’évanouit, j’aime perturber le quotidien urbain par des images irrévérencieuses. Et cela ne se monnaye pas.
Toute notre vie nous avons cherché comment faire du théâtre et pour qui ?
Nous avons tâtonné, nous nous sommes engagés sur de fausses pistes, ce n’est pas le succès que nous cherchions mais une espèce de vérité.
Bien -sûr nous avons joué dans des théâtres avec réservation et billetteries et même dans des lieux qu’on appelle légitimes : festival d’Avignon In, Opéra Bastille, Scènes Nationales, CDN, ce qui nous permettait d’obtenir des subsides, mais sans arrêt nous cherchions la petite folie, la mini stupeur, le frisson, la confusion entre le vrai et le faux, et jusqu’où on ne peut pas aller, le off limits.
Nous étions en quête de décalages et d’inattendu, ce qui nous a fait jouer pour des chiens ou bien toute une nuit ( la nuit Unique ) ou même pendant 13 jours en continu (Blue Lagoon).
Nous avons même dirigé pendant 9 ans la Scène Nationale de Montbeliard rebaptisée par nos soins : centre d’Art et de Plaisanterie.
Nous nous adressions à la ville toute entière et non à un petit public d’abonnés.
Nous étions des chercheurs en idioties, en plaisanteries mais au sens profond du terme.
Nous avons toujours été au bord de l’illicite.
Nous avons refusé d’être des artistes aseptisés et recommandables. Il nous fallait être là où on ne nous attend pas, refuser de remplir des projets Cerfa, avec des cases à cocher.
De l’Art en cage … ça nous n’en avons pas voulu.
Nous allons tirer nos dernières salves après 80 créations, c’est Hervee de Lafond qui est aux commandes.
Moi après la saison en enfer en Ethiopie, j’ai déclaré que je n’irai pas plus loin.
Mais je continuerai à faire en sorte que l’Unité soit une espèce de caravansérail, un lieu où les artistes de passage se sentent bien traités:
“Veillez à ce que les comédiens soient bien traités car ils sont notre histoire en raccourci”. Shakespeare
Commentaires